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DÉCLARATION DU SECRÉTAIRE EXÉCUTIF YVES BERTHELOT
A L'OCCASION DE LA SESSION DU CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA COMMISSION ECONOMIQUE POUR L'EUROPE

21 avril 1997

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

Excellences, Mesdames, Messieurs,

Chers collègues,

La présence de chacun d'entre vous est aujourd'hui un hommage au travail accompli au cours des cinquante dernières années par la Commission économique pour l'Europe et un engagement à pleinement utiliser les capacités de cette entité des Nations Unies. Je vous en remercie au nom de tout le personnel du secrétariat, réconforté de voir reconnue l'institution à laquelle il se dévoue si loyalement. Je vous en remercie, aussi, au nom de mes prédécesseurs qui ont progressivement forgé l'instrument dont vous disposez aujourd'hui. Certains sont ici, Messieurs Gerald Hinteregger, Klaus Sahlgren, Janez Stanovnik, Vladimir Velebit. D'autres nous ont quittés, Sakari Tuomioja et Gunnar Myrdal. Tous ont suivi la ligne que Gunnar Myrdal avait tracée: servir les états membres en produisant des analyses rigoureuses et courageuses, proposer de coopérer à la réalisation d'instruments techniques qui servent au rapprochement des pays et à leur intégration dans l'ensemble européen. Se souvient-on que c'est un rapport de la Commission sur la surproduction d'acier en Europe qui a inspiré Jean Monnet, fournissant une des bases du Plan Schuman d'où est née la Communauté européenne du charbon et de l'acier, embryon de l'Union européenne?

Depuis 1958, les numéros successifs de l'Etude sur la situation économique en Europe ont témoigné de cette rigueur. Les idées émises et les analyses faites, parfois à contre-courant de la mode, ont contribué à l'évolution des politiques et nourri le débat économique, composante essentielle du débat démocratique. De même, les conventions négociées au sein de la Commission, sont le fruit du dialogue que celle-ci a toujours permis, même au moment des tensions les plus vives, et elles sont aujourd'hui autant d'instruments qui facilitent les relations de bon voisinage et l'intégration de l'ensemble de la région.

La Commission peut être fière de son passé. Toutefois, dans un monde en constante transformation, cela ne constitue pas une garantie d'avenir.

C'est justement pour jeter les bases de cet avenir que la Commission s'est engagée, il y a deux ans, dans une réflexion sur ses orientations stratégiques dont vous allez demain adopter les résultats rassemblés dans une déclaration et un plan d'action. Les réformes que contient ce dernier se caractérisent par les mots concentration, flexibilité et efficacité.

Concentration des activités de la Commission sur ses points forts: analyses, conventions, normes, directives, dans les domaines où les pays de tous les ensembles qui constituent la région jugent qu'une coopération internationale est nécessaire et que la Commission est la mieux placée des institutions pour la conduire. L'accord sur la réforme n'est pas un compromis réalisé en ajoutant les désirs des uns et des autres, mais l'aboutissement d'une négociation sérieuse pour convenir des sujets d'intérêt communs.

Flexibilité pour assurer que le programme de travail évolue souplement en fonction des besoins. Une flexibilité constante, contrairement à des ruptures périodiques difficiles à négocier, assurera que des remises en cause fondamentales ne seront pas nécessaires avant quelques années: l'important est en effet de moissonner la récolte que les réformes décidées vont permettre. Chacun sait que, pour toute institution, l'équilibre est délicat entre la stabilité nécessaire pour accumuler l'expertise et assurer une continuité dans l'action, et le changement, tout aussi nécessaire pour éviter que la routine ne lui ôte sa pertinence. Les mécanismes mis en place et la concertation devraient garantir cet équilibre.

Efficacité, enfin. C'est-à-dire tirer le meilleur parti des ressources disponibles. La concentration sur les activités essentielles et de meilleures méthodes de travail prévues dans le Plan d'Action le permettront. Beaucoup de représentants des gouvernements reconnaissent en privé qu'il n'est sans doute pas en Europe d'institution produisant autant avec si peu de ressources. Le secrétariat peut, en effet, être fier de pouvoir, avec moins de deux cents personnes, servir plus de 150 réunions par an, pour l'essentiel entre experts qualifiés, et près de 50 ateliers ou séminaires, tout en produisant des rapports respectés dans des domaines aussi variés que l'environnement et l'habitat; les transports; les statistiques; le développement du commerce, de l'industrie et de l'entreprise; le bois; l'analyse économique et l'énergie durable.

De nouvelles économies compromettraient la qualité du travail en obligeant à sacrifier les temps d'étude et de recherche. La Commission ne peut vivre sur ses acquis, elle doit sans cesse investir et innover.

Monsieur le Président,

Plus important encore, le processus de réforme a redonné à la Commission deux atouts essentiels à son avenir: la confiance entre le secrétariat et les pays membres et l'accord sur sa raison d'être.

La confiance entre le secrétariat et les pays membres est pour moi essentielle et je suis reconnaissant à ces derniers, sous l'impulsion de l'Ambassadeur Willems et du Bureau, d'avoir associé étroitement le secrétariat à toutes les étapes du processus de réforme. Je puis vous assurer que je tiens à garder cette confiance, gage que la Commission sera capable de s'engager à temps dans des activités propres à répondre à de nouveaux besoins. J'appliquerai donc toutes les réformes au niveau du secrétariat. Et, avec mes collègues, je faciliterai leur mise en oeuvre par les organes subsidiaires.

Au-delà des réformes deux questions se posent: a-t-on besoin de la CEE et si oui, doit-elle demeurer au sein de l'ONU? La multiplication ou l'élargissement vers l'Est des institutions régionales et sous-régionales, l'extension du champ d'activités des institutions de Bretton Woods dans les pays d'Europe centrale et orientale et en Asie centrale justifient la première question. Interrogation renforcée et généralisée à l'ensemble des Commissions régionales par le débat actuel sur le rôle des Nations Unies dans le secteur économique et social et par la crise financière de l'Organisation.

En s'interrogeant sur l'utilité de chaque élément du programme de travail et en se demandant s'il ne serait pas mieux traité dans une autre institution, les gouvernements ont abordé la question d'une façon concrète et leur réponse est claire: oui, il est un ensemble de questions importantes dont ils souhaitent débattre dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe. Les raisons en sont la crédibilité acquise de par l'expertise accumulée et la neutralité du forum offert où tous les pays, quelle que soit leur taille, peuvent s'exprimer sur un pied d'égalité. Pour nombre de pays, la CEE reste le seul forum économique où ils puissent participer à l'élaboration de décisions qui affectent leur avenir. Chacun sait que l'on se plie plus volontiers aux règles que l'on a façonnées qu'à celles qui ont été imposées.

L'histoire, enfin, définit le rôle de la Commission. La région n'est certes plus divisée par un rideau de fer, mais elle est, et sera pour longtemps, un ensemble traversé par des frontières multiples au tracé mouvant dont il est indispensable qu'elles ne se transforment en lignes de fracture. Expansion attendue des frontières de l'OTAN et de l'Union européenne, frontières entre les groupements sous-régionaux toujours plus nombreux, qui recouvrent des réalités historiques et culturelles anciennes comme des convergences d'intérêt occasionnelles, frontières entre ceux des pays qui ont pris de l'avance dans le processus de transition et ceux où les changements demeurent d'autant plus fragiles qu'ils n'ont pas apporté les bienfaits attendus par la population. Seules l'OSCE sur le plan politique et la Commission sur le plan économique rassemblent ces ensembles et, dans leurs domaines, maintiennent le dialogue, construisent des instruments d'intégration, donnent une voie aux plus faibles ou aux isolés. L'histoire a assez montré que les incendies dans l'une quelconque des parties de la région pouvaient se propager à l'ensemble.

De ces considérations découle une conclusion claire: la raison d'être de la Commission est de contribuer à la cohésion de la région.

Même si la Commission économique pour l'Europe a une raison d'être, faut-il pour autant la conserver au sein de l'ONU? La question mérite attention et je m'associe pleinement à la réponse que vient d'y donner le Secrétaire général. J'y répondrai pour ma part du point de vue de la Commission. Tout d'abord, les activités de la CEE se rattachent aux tâches les plus nobles de l'ONU: produire ce que les économistes appellent des biens publics que sont les idées, l'information et les règles, et les mettre à la disposition de tous les pays membres.

Deuxièmement, les Commissions régionales bénéficient de leur appartenance à l'ONU qui est une garantie de neutralité. Si tout récemment les pays du sud-est européen ont souhaité que la CEE soutienne l'initiative appelée SECI, c'est sans doute à cause des instruments techniques que le secrétariat pouvait apporter, mais c'est surtout parce qu'un organe de l'ONU serait neutre et contribuerait sans arrière-pensées à les intégrer dans l'ensemble européen.

Troisièmement, la Commission a développé nombre d'instruments de coopération dans les domaines des transports, du commerce et de l'environnement qui ont été adoptés par les pays voisins, voire par la communauté internationale dans son ensemble. Un partage aussi pragmatique et simple des acquis d'une région par des pays d'autres régions n'est possible que parce que les Commissions régionales font partie de l'ONU.

J'ai, Monsieur le Président, exprimé ma foi en la Commission économique pour l'Europe au sein de l'ONU, je la sais partagée par tout le secrétariat et par les pays membres qui ont oeuvré aux réformes. Laissez-moi, pour conclure, exprimer le voeu qu'après avoir été un lieu de dialogue entre pays antagonistes, puis un forum où les pays à économie de marché partageaient leur expérience avec ceux qui se convertissaient à ce système, la Commission devienne maintenant le lieu où tous les pays de la région, petits et grands, se gardent de toute attitude maître-élève, fort-faible, donneur-receveur, pour construire ensemble une Europe viable, apte à jouer un rôle dans le monde.