RÉGION DE LA CEE-ONU 1996-1997 -
PERFORMANCES ET PERSPECTIVES ECONOMIQUES INÉGALES:
MODESTE REPRISE ECONOMIQUE EN EUROPE DE L'OUEST,
RETOUR D'UNE CROISSANCE SENSIBLE DANS LES ETATS BALTES,
MAIS RALENTISSEMENT DE LA CROISSANCE EN EUROPE DE L'EST ET
AGGRAVATION DE LA CRISE DANS LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
21 avril 1997
La CEE-ONU publie l'Etude sur la situation économique de l'Europe
en 1996-1997
La Commission économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE-ONU)
dans son édition la plus récente de l'Etude sur la situation économique de l'Europe présente une analyse détaillée de la situation économique dans la région de la CEE-ONU et une perspective à court terme des économies de l'Ouest ainsi que de celles
des pays d'Europe de l'Est, des Etats baltes et de la Communauté des Etats
indépendants (CEI).
Le chapitre 1, qui est inclus dans le présent communiqué de presse,
donne une brève vue d'ensemble de la situation économique en Europe de l'Ouest
ainsi que dans les pays en transition. Il souligne nombre de questions politiques
qui existent dans la région de la CEE-ONU.
Le chapitre 2 examine la situation macro-économique des pays de
l'Ouest à économie de marché.
Le chapitre 3 analyse les développements macro-économiques dans les
économies en transition, y compris les flux commerciaux de marchandises totaux
et intrarégionaux, leur position financière extérieure et leur intégration dans le
marché international des capitaux.
Le chapitre 4 étudie la situation économique dans les économies d'Asie
centrale de la région de la CEE-ONU et leurs progrès vers une économie de
marché.
Une prépublication de la version de l'Etude sur la situation économique de
l'Europe en 1996-1997 sera soumise à la prochaine réunion de la Commission
économique des Nations Unies pour l'Europe qui doit tenir sa cinquante-deuxième
session du 21 au 24 avril 1997. L'Etude sera mise à la disposition des
Gouvernements des Etats membres de la CEE-ONU et des médias en nombre
limité. La version finale de l'Etude sera publiée en mai prochain
.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter:
Division des études et des projections économiques Commission économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE-ONU)
Palais des Nations
CH-1211 Genève 10, Suisse
Tél: + (4122) 9172718
Fax: + (4122) 9170309
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Chapitre premier
VUE D'ENSEMBLE DE L'EVOLUTION RECENTE ET DE CERTAINS PROBLEMES
ECONOMIQUES DANS LES PAYS DE LA CEE
I) Introduction : les perspectives dans la région de la CEE
La croissance économique a été très variable l'an dernier dans la région de la CEE
selon que l'on considère l'Europe, la CEI ou l'Amérique du Nord. Parmi les pays à économie
de marché, elle a été relativement modeste et plus faible qu'en 1995, en Europe occidentale
(1,9 %), mais elle a été beaucoup plus robuste et, contrairement aux prévisions, plus forte
qu'en 1995 aux Etats-Unis (2,4 %). En Europe orientale, la croissance est restée assez
ferme dans la plupart des pays d'Europe centrale qui sont à l'avant-garde des réformes
(5 %) et la reprise a été soutenue dans les Etats baltes (3,4 %). En Russie, le PIB a encore
baissé (- 6 %), mais bon nombre des autres membres de la CEI ont enregistré une reprise.
Le processus de transition a connu de graves revers en Europe du Sud-Est l'an
dernier. L'Albanie et la Bulgarie ont été brutalement touchés, mais bon nombre des facteurs
qui sont à l'origine de ces crises agissent dans d'autres pays de la région et de la CEI et
beaucoup tiennent à l'histoire et au contexte difficile dans lesquelles ces pays ont
commencé à construire une économie de marché. (Ces questions sont analysées séparément
ci-dessous.)
Les perspectives pour 1997 ne sont pas radicalement différentes de l'évolution
observée l'an dernier. En Europe occidentale, la croissance du PIB devrait se raffermir un peu
(pour atteindre peut-être un peu moins de 2,5 %), mais pas assez pour peser sur le niveau
actuel du chômage. Elle risque même d'être inférieure aux prévisions du fait des efforts
déployés pour satisfaire aux critères de Maastricht et maintenir l'inflation à 2 % ou moins.
Après sept années d'expansion, les indicateurs à court terme et les prévisions du début de
1997 indiquaient encore une nouvelle et légère accélération de la croissance du PIB aux
Etats-Unis, où elle atteindrait 2,5 % sur l'ensemble de l'année. En Europe orientale, le taux
de croissance moyen devrait accuser un fléchissement en 1997 (3,5 % contre 4 % l'an
dernier). Ce ralentissement tient principalement à l'évolution en Europe du Sud-Est où des
programmes de stabilisation draconiens devraient se traduire par une baisse du PIB
en Bulgarie et en Roumanie. (Un recul de la production paraît également fort probable en
Albanie, avec ou sans programme de stabilisation.) La croissance devrait rester assez forte
(4-6 %) en Pologne, dans la République tchèque, en Slovaquie et en Slovénie et elle devrait
se raffermir en Hongrie après le succès du programme de stabilisation. La reprise devrait
également se poursuivre dans les Etats baltes et se renforcer, avec des taux de croissance
compris entre 3,5 et 5 % dans la région.
Il est toujours aussi difficile de porter un jugement sur les perspectives économiques
à court terme de la Russie. Le Gouvernement et certains conjoncturistes indépendants
escomptent un léger redressement (2 %) de la production en 1997, mais les économistes
russes restent nombreux à penser que même une croissance zéro - qui marquerait la fin
d'une baisse ininterrompue depuis sept ans - serait peut-être la meilleure chose à espérer.
Cela dépendra beaucoup de la question de savoir si le problème des arriérés de paiements
pourra être réglé de manière non inflationniste. En Ukraine, l'économie est encore plongée
dans la crise, mais elle pourrait toucher le creux de la vague en 1997, le Gouvernement
espérant d'ailleurs une croissance de 1,7 %. Dans bon nombre d'autres pays membres de
la CEI, la reprise observée l'an dernier devrait se renforcer, même si les hypothèses de
croissance retenues par certains gouvernements paraissent un peu trop optimistes.
ii) Europe orientale, Etats baltes et CEI
a) Croissance économique
A bien des égards, 1996 a été une année décevante pour les pays en transition.
L'Europe orientale a enregistré un taux moyen de croissance économique de 4 %,
c'est-à-dire inférieur à celui de 1995 et, d'une manière générale aux prévisions; en Russie,
non seulement la chute de la production n'a pas pris fin, mais elle s'est aggravée; la relance
de l'activité attendue de la levée des sanctions économiques contre la Yougoslavie est lente
à se manifester; l'économie a connu de graves revers en Bulgarie et en Roumanie et, en
Albanie, la crise économique a dégénéré en chaos politique et social, le Gouvernement
perdant le contrôle d'une grande partie du pays.
Cependant, comme nous l'avons maintes fois souligné dans cette Etude, les pays en
transition constituent un groupe très disparate, et en dépit des nombreux revers de l'an
dernier bien des régions ont enregistré également des progrès sensibles. La croissance est
demeurée relativement forte dans le peloton de tête des réformateurs, et notamment en
Pologne où le taux de croissance de 6 % a été à peu près conforme aux prévisions, et en
Slovaquie, où à près de 7 % il les a dépassées. L'économie tchèque a également enregistré
une croissance soutenue, même si elle a été nettement plus faible qu'en Pologne et
légèrement inférieure aux prévisions. Les trois Etats baltes ont eux aussi renoué avec une
croissance appréciable (entre 2,5 et 4 %); et, pour la première fois depuis l'éclatement de
l'Union soviétique et malgré la baisse ininterrompue de la production en Russie, une majorité
des 12 pays membres de la CEI a enregistré des taux de croissance positifs Le mouvement de baisse de la production a également pris fin dans toutes les
Républiques d'Asie centrale à l'exception du Tadjikistan. Celles-ci font l'objet d'une analyse spéciale
au chapitre 4 de la présente Etude. .
Le ralentissement observé dans toute l'Europe orientale en 1996 a été plus sensible
qu'on ne le prévoyait au début de l'année. On s'attendait à une décélération dans les pays
qui avaient connu une croissance relativement rapide en 1995 (la Pologne, la République
tchèque, la Roumanie et la Slovaquie) et c'est effectivement ce qui s'est produit sauf en
Slovaquie; mais on pensait également que ce ralentissement serait compensé par une
croissance plus rapide en Bulgarie et dans les pays de l'ancienne Yougoslavie et que
la croissance se poursuivrait en Hongrie, même si elle ne devait pas dépasser 2 %. En fait,
l'incapacité persistante à appliquer un programme cohérent de réformes structurelles a
atteint son paroxysme en Bulgarie au printemps 1996, entraînant une grave crise financière
et économique dont ce pays n'est toujours pas sorti; au lieu de progresser comme prévu de
3 %, le PIB bulgare a au contraire diminué de 10 % La crise bulgare est analysée longuement au chapitre 2, sous-section 3.1 iii), de la
présente Etude.. Ce fut l'un des principaux facteurs
à l'origine du ralentissement, mais la croissance de l'économie hongroise a elle aussi été
faible, inférieure à celle de 1995 et nettement inférieure aux prévisions initiales. Si les
mesures prises en 1995 pour rétablir l'équilibre interne et externe de l'économie hongroise
ont donné une certaine consistance à cet objectif, elles ont pesé sur la demande intérieure
et plus particulièrement sur la consommation des ménages plus brutalement et plus
durablement que prévu. En Slovénie également, la croissance économique a encore faibli en
1996 contrairement aux prévisions initiales d'accélération : cela est dû notamment au
manque de vigueur de la production industrielle, touchée par la baisse de la demande
d'exportation à l'étranger.
Dans les autres pays de l'Europe du Sud-Est (Albanie mise à part), la production a
augmenté (pour la première fois depuis 1989 dans l'ex-République yougoslave de
Macédoine) mais généralement beaucoup moins qu'on ne le prévoyait - ou dans certains cas,
qu'on ne l'espérait - au début de l'année. L'économie croate continue de subir les
conséquences économiques de la guerre et de la rupture des liens avec les autres pays de
l'ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie; la rigueur des politiques
monétaires et budgétaires, conjuguée à la hausse du cours de la monnaie nationale, l'une
et l'autre visant à empêcher toute résurgence de l'inflation, ont freiné la reprise de la
production. L'économie yougoslave a commencé à se redresser après la levée des sanctions
économiques mais, vu le niveau dérisoire auquel l'activité était tombée, la reprise a été très
lente et bien inférieure à ce qu'escomptait le Gouvernement. Pour soutenir la reprise
économique, la Yougoslavie devra recourir largement aux importations; or, sa capacité
d'exportation a fortement diminué du fait de la guerre et des sanctions. L'important déficit
commercial a pu être financé en grande partie jusqu'à présent par les comptes en devises
détenus à l'étranger, mais il est peu probable que ceux-ci puissent soutenir la production
très longtemps.
Dans la plupart des pays en transition, la croissance économique en 1996 a été
soutenue par la demande intérieure, et tant par la consommation privée que par
l'investissement en capital fixe, la contribution des exportations nettes étant par contre
négative. L'investissement en capital fixe a connu un essor remarquable dans certaines des
économies en transition les plus dynamiques comme la Pologne, la République tchèque, la
Slovaquie et la Slovénie. Dans la République tchèque, c'est surtout le secteur des activités
non financières qui en a bénéficié; en Pologne, une large gamme d'activités; en Slovaquie
et en Slovénie, l'infrastructure essentiellement (routes, télécommunications, etc.). La reprise
soutenue de l'investissement en capital fixe est l'un des aspects les plus positifs de
l'évolution récente dans ces pays, car elle montre que la confiance des investisseurs
nationaux (et étrangers) dans l'avenir de ces économies est aujourd'hui plus forte.
Une reprise, jusqu'à présent, un peu plus faible de l'investissement en capital fixe a
également été enregistrée en Estonie et en Lettonie, et l'investissement commençait à se
redresser en Bulgarie avant la crise de l'an dernier. Par contre, l'investissement en capital
fixe a continué de baisser rapidement en Russie en 1996, conséquence prévisible de
l'incertitude qui règne quant aux perspectives politiques et économiques.
b) Emploi et chômage
Le ralentissement de l'activité en Europe orientale a eu notamment pour conséquence
que l'amélioration hésitante de l'emploi observé en 1995 a cessé au cours des trois premiers
trimestres de 1996. Les effectifs salariés se sont inscrits en hausse dans certains pays à
croissance dynamique - Pologne, République tchèque et Slovaquie - mais la progression
enregistrée a été plus faible qu'en 1995. On a cependant observé une amélioration de
l'emploi en Lituanie (1,2 %), la première depuis l'indépendance et après trois années de
croissance positive. Mais partout ailleurs, y compris dans l'ensemble des pays membres de
la CEI, l'emploi total a continué à reculer. Dans le secteur industriel, où l'investissement et
la productivité progressent dans la plupart des pays d'Europe orientale et les Etats baltes,
la baisse de l'emploi s'est poursuivie dans quasiment tous les pays pour lesquels on
disposait de données (pour les trois premiers trimestres de 1996). Bien que la production
augmente en Europe orientale depuis 1993 (hausse de 14 % du PIB et de 23 % de la
production industrielle entre 1993 et 1996), le niveau total de l'emploi n'a pratiquement pas
varié. Le redressement de la production s'est en fait accompagné d'une baisse continue des
effectifs dans certains pays et la productivité du secteur industriel a augmenté rapidement
: outre les gains de productivité imputables à la restructuration de la production et aux
investissements en matériel neuf, la reprise de la privatisation des moyens de production,
partie d'un faible niveau, a beaucoup contribué à accroître la productivité des effectifs déjà
employés. Qui plus est, il existe sans doute encore un volant de "suremploi" dans certaines
des grandes entreprises d'Etat qui subsistent en Europe orientale. Le redressement de la
production devra donc s'inscrire dans la durée avant de se traduire par un accroissement net
appréciable du nombre d'emplois nouveaux. (Le problème du "suremploi" se pose sans doute
avec une acuité beaucoup plus grande dans la CEI où le recul de la production globale entre
1989 et 1996 a été quatre fois plus important que la baisse du niveau de l'emploi.)
Le ralentissement de la croissance a également freiné la baisse du chômage en
Europe orientale. Celui-ci touchait environ 7,5 millions de personnes au début de 1994,
atteignant ainsi un niveau record, et avait ensuite lentement reflué pour s'établir à 6 millions
au troisième trimestre de 1996; mais au dernier trimestre le nombre des chômeurs a
augmenté de près de 120 000, dont près des deux tiers en Bulgarie. Le chômage a continué
à monter régulièrement dans la CEI et, à la fin de 1996, le nombre de chômeurs enregistrés
était d'un peu plus de 8 millions. (Il est à peu près certain qu'il s'agit là d'une
sous-estimation importante du nombre des chômeurs selon la définition type du BIT.)
Globalement, il y avait au moins 14 millions de chômeurs dans l'ensemble des pays en
transition de la CEE à la fin de 1996.
Un chômage élevé et de longue durée est de nature à "décourager" une partie des
travailleurs qui n'essaie même pas de retrouver un emploi et a donc tendance à sortir de la
population active. Ce phénomène semble être la principale explication de la légère baisse
persistante des taux de chômage en 1996. Néanmoins, le taux moyen pour l'Europe
orientale demeurait élevé, puisqu'il atteignait 11,8 % à la fin de l'an dernier et que, pour la
plupart des pays pris individuellement, le taux de chômage variait entre 6,3 % en Roumanie
et plus de 20 % dans l'ex-République yougoslave de Macédoine. Le chômage s'est maintenu
à un niveau exceptionnellement bas dans la République tchèque, où il s'établissait à 3,5 %
à la fin de 1996, ayant toutefois augmenté puisqu'il se situait à 2,7 % au deuxième
trimestre.
Les taux de chômage dans les Etats baltes et la CEI sont généralement beaucoup plus
bas qu'en Europe orientale, mais cela tient essentiellement aux lacunes de la couverture
statistique du chômage enregistré. Les estimations étayées par des enquêtes sur la
population active, qui sont plus complètes mais ne sont pas encore effectuées dans tous les
pays, donnent à penser que les taux de chômage effectifs dans ces pays ont également
tendance à s'inscrire dans la fourchette indiquée plus haut pour l'Europe orientale.
Outre que les taux de chômage sont à peu près aussi élevés dans les deux régions,
la composition de la population des chômeurs en Europe orientale et dans les Etats baltes
ressemble aussi sur plusieurs points à celle de l'Europe occidentale. Premièrement, les taux
de chômage sont généralement beaucoup plus élevés pour les femmes que pour les
hommes, la Hongrie étant l'exception, et les femmes ont également tendance à représenter
plus de la moitié du nombre des chômeurs dans la plupart des pays en transition (Russie
comprise). Deuxièmement, les jeunes (de moins de 25 ans) connaissent également de forts
taux de chômage et représentent généralement entre un quart et un tiers de l'ensemble des
chômeurs (en Roumanie, leur part atteignait près de 50 %). Et, troisièmement, un grand
nombre de personnes sont aujourd'hui au chômage depuis plus d'un an : les résultats des
enquêtes sur la population active effectuées en 1996 indiquent que les chômeurs de longue
durée représentent selon les pays de 30 à 60 % de l'ensemble des chômeurs. Vu les
caractéristiques - décrites ci-dessus - de la relation entre la reprise économique et la création
d'emplois, les chances de voir diminuer sensiblement les taux de chômage dans un proche
avenir ne sont pas très nombreuses et, comme l'expérience de l'Europe occidentale tend à
le montrer, celles de voir diminuer le nombre des chômeurs de longue durée sont donc
probablement plus minces encore. L'existence d'une masse considérable de chômeurs de
longue durée, parmi lesquels un grand nombre de jeunes, présente un risque d'instabilité
sociale. A court terme, des politiques d'intervention sur le marché du travail conjuguées à
des mesures de protection sociale raisonnablement efficaces peuvent apporter un allégement
temporaire, mais des solutions durables passent par une reprise soutenue de l'investissement
en capital fixe; des politiques visant à stimuler l'investissement devraient donc être au
centre des efforts déployés pour s'attaquer au problème du chômage.
c) Recul de l'inflation et tensions sur les coûts
L'inflation a généralement continué à reculer en 1996 et l'amélioration a été
particulièrement marquée dans les Etats baltes, en Russie et dans tous les autres pays
membres de la CEI à l'exception du Kirghizistan.
En Europe orientale, toutefois, les progrès ont été moins frappants et d'une portée
moins générale qu'en 1995. Tout d'abord, en Albanie, en Bulgarie et en Roumanie, on a
observé d'importants renversements de tendance, notamment en Bulgarie où la hausse des
prix à la consommation a atteint 311 % au cours de la période de 12 mois allant jusqu'à
décembre 1996 (contre 33 % en 1995). Même s'il a été beaucoup plus faible qu'en
Bulgarie, le taux d'inflation a quasiment triplé en Albanie et plus que doublé en Roumanie.
Ensuite, la baisse du taux d'inflation dans les autres pays d'Europe orientale a été
insignifiante et souvent inférieure aux objectifs que les gouvernements s'étaient fixés pour
1996. Bien que dans plusieurs pays les taux soient maintenant inférieurs à 10 % deux ou
trois seulement se sont rapprochés du taux moyen actuellement observé en Europe
occidentale (moins de 3 %). En Hongrie et en Pologne les progrès restent lents et l'inflation
plafonne à 19-20 %, bien que les programmes budgétaires en cours de ces pays tablent
pour 1997 sur un recul de l'inflation à 15 % et 13 % respectivement.
Dans les Etats baltes, l'inflation sur l'ensemble de l'année a été de l'ordre de 13 à
15 %, soit moitié moins qu'en 1995, mais dans la seconde moitié de 1996 elle a été
inférieure à 10 % en Estonie et en Lituanie et sensiblement inférieure aux taux enregistrés
dans la plupart des pays d'Europe orientale les plus avancés dans la voie des réformes. Une
maîtrise rigoureuse des politiques monétaires et budgétaires et la hausse notable du taux de
change réel sont les principaux facteurs à l'origine de ce résultat.
L'inflation a également reculé très sensiblement en Russie et dans la plupart des
autres pays de la CEI : alors que des taux d'inflation à trois et quatre chiffres étaient
fréquents en 1994 et 1995, le taux annuel a été ramené dans une fourchette comprise entre
18 et 40 % dans plus de la moitié de ces pays. La plupart des pays membres de la CEI
appliquent des politiques macro-économiques plus efficaces, notamment dans le domaine
monétaire, avec le concours des institutions financières internationales. Mais le
ralentissement considérable de l'inflation en Russie a également été un facteur important
pour les autres membres de la CEI étant donné leur dépendance encore très forte à l'égard
de l'économie russe. En Russie, le taux d'inflation au cours de la période de 12 mois allant
jusqu'à décembre 1996 a été légèrement inférieur à 22 %, contre plus de 130 % en 1995.
Le maintien d'une politique de rigueur monétaire tout au long de l'année et la forte hausse
du cours réel du rouble au premier semestre ont compté pour beaucoup dans ce résultat,
mais il y a eu également un élément d'inflation refoulée : les gros arriérés de paiements au
titre des salaires et retraites ont continué à freiner la demande intérieure et les
augmentations des prix imposés - du reste pas toujours injustifiées - ont été volontairement
maintenues au-dessous du taux d'inflation moyen. (A la différence de ce qui s'est passé
dans la plupart des autres pays de la CEI, le recul important de l'inflation au Bélarus est
essentiellement imputable aux subventions gouvernementales sur les prix, à des crédits bon
marché et à une réglementation effective des prix.)
L'une des principales raisons de la lenteur du recul de l'inflation en Europe orientale
a été la progression des salaires réels qui a généralement été plus rapide que l'accroissement
de la productivité, même dans les pays comme la Pologne où la production et la productivité
ont toutes deux augmenté très rapidement. Les tensions ont ici des causes diverses. En
premier lieu, il y a sans doute chez les salariés le vif désir de rattraper la perte considérable
de salaire réel qu'ils ont subie dans les premières années de la transition, et le redressement
de la production leur donne enfin l'occasion d'essayer de le faire. De plus, la tendance
sous-jacente en matière de productivité est encore incertaine dans beaucoup de pays : on
observe une forte progression de l'investissement en capital fixe dans l'infrastructure ainsi
que pour les machines et le matériel dans un certain nombre de pays (Pologne, République
tchèque, Slovaquie et Slovénie) et cela devrait se traduire à moyen terme par des gains de
productivité plus importants; mais dans beaucoup d'autres pays, la croissance de la
production par travailleur reste lourdement tributaire d'une reprise de la production à partir
d'un niveau très faible de privatisation des ressources. La restructuration des grandes
entreprises d'Etat (ou anciennement d'Etat) est encore assez lente et, dans plusieurs pays,
la privatisation a également été hésitante et mal orientée : ces facteurs ont tendance à
décourager l'investissement en capital fixe (étranger et national) et à freiner l'amélioration
de la productivité. Partant, la hausse des coûts salariaux unitaires est généralement forte et
a tendance à s'accélérer dans la plupart des pays d'Europe orientale.
Les pressions en faveur de fortes augmentations des salaires nominaux sont
également influencées par deux autres facteurs. Le premier est que bon nombre de
gouvernements n'ont pas encore achevé le processus de libération des prix et que, de ce
fait, l'indice des prix à la consommation subit encore des secousses périodiques (hausse de
1 % de l'IPC dans la République tchèque en juillet, plus d'un quart de la hausse annuelle en
Slovénie. Qui plus est, la déréglementation commence à toucher un certain nombre de
secteurs sensibles dans beaucoup de pays : loyers, prix des commodités (y compris les tarifs
des transports en commun) et de l'énergie. La mesure dans laquelle ces changements
pourront être limités à des hausses exceptionnelles de l'indice des prix à la consommation
dépendra en partie de l'opportunité des dates d'application (l'augmentation des prix de
l'énergie et des loyers en République tchèque l'été dernier a été en partie amortie par la
baisse saisonnière des prix alimentaires), mais plus encore de la question de savoir si ces
majorations pourront être compensées par une augmentation des salaires réels justifiée par
des gains de productivité.
L'expansion du secteur des services dans la plupart des pays en transition pousse
également à l'augmentation des salaires nominaux moyens. En règle générale, les prix dans
ce secteur ont eu tendance à augmenter plus rapidement que les prix des produits non
alimentaires, et en 1996, comme les années précédentes, ce sont eux qui ont contribué le
plus à la hausse des prix à la consommation. Cela tient en partie au fait que la libération des
prix imposés porte de plus en plus sur ce secteur, mais également à la tendance générale
à ce que la productivité du secteur des services augmente plus lentement que celle des
autres secteurs de l'économie et à ce qu'il soit relativement plus à l'abri de la concurrence
étrangère. En économie de marché les écarts intersectoriels ou interbranches en matière de
hausses salariales ont tendance à être beaucoup moins marqués que les écarts entre les taux
de croissance de la productivité de ces secteurs ou branches. En conséquence, les prix
auront tendance à augmenter plus rapidement dans les secteurs où la croissance de la
productivité est plus faible et la concurrence étrangère peu sensible. A cet égard, les
économies d'Europe orientale ne sont aujourd'hui guère différentes de celles de l'Ouest.
Mais un aspect crucial de ce modèle dit scandinave d'inflation est de savoir quel est le
secteur qui donne le ton en matière d'augmentation des salaires. Si la marge d'augmentation
est déterminée par la croissance de la productivité dans le secteur marchand (majorée ou
diminuée de toute variation des prix sur le marché mondial), la hausse des prix dans le
secteur des services continuera à dépasser celle observée dans le reste de l'économie, mais
la rentabilité et la compétitivité de la production marchande ne seront pas entamées. Si,
toutefois, le modèle se met à fonctionner en sens inverse, comme cela semble s'être produit
dans plusieurs pays d'Europe occidentale dans les années 70 et 80, et que les hausses
salariales dans le secteur non marchand dépassent celles observées dans le reste de
l'économie, la rentabilité de la production destinée à l'exportation et à concurrencer les
importations sera amoindrie.
Il est difficile de savoir si un mécanisme jouant en sens inverse est actuellement à
l'oeuvre dans les pays d'Europe orientale : la hausse des prix relatifs des services est due
en partie à des ajustements exceptionnels des prix libérés et à la résurgence d'un secteur
artificiellement refoulé sous l'ancien système de planification centralisée, sans parler des
lacunes qui subsistent dans les données disponibles par secteur. Cependant, dans la plupart
des économies est-européennes, les salaires nominaux et les coûts salariaux unitaires dans
l'industrie ont augmenté plus vite que les prix à la production l'an dernier, ce qui suppose
une forte réduction des bénéfices d'exploitation bruts et des marges bénéficiaires - la
principale exception à cette tendance l'an dernier semble être la Hongrie. En règle générale,
les prix à la production ont augmenté beaucoup moins que les prix à la consommation l'an
dernier et le ralentissement de leur hausse par rapport à 1995 a aussi été beaucoup plus
marqué. Cela tient sans doute pour beaucoup à l'effet de la valorisation du cours réel de la
monnaie, laquelle contribue non seulement à réduire le coût des matières importées, mais
encore avive la concurrence des importations par rapport aux productions nationales.
(La hausse plus forte des prix à la consommation traduit le rôle des services dont il est
question ci-dessus, mais la faiblesse relative des réseaux de distribution (et leur manque de
compétitivité) contribue sans doute aussi à expliquer des hausses relativement plus
importantes, surtout quand la demande des consommateurs augmente fortement.)
Cependant, une stratégie consistant à trop compter sur la valorisation du cours réel de la
monnaie pour lutter contre l'inflation peut être dangereuse si elle dure trop longtemps. Elle
risque en effet d'affaiblir la compétitivité non seulement des exportateurs, mais aussi de
tous les producteurs du secteur marchand.
La question de savoir si ces tensions entraîneront effectivement une recrudescence
de l'inflation dépendra de l'orientation de la politique macro-économique et de l'efficacité
des instruments de la politique monétaire et budgétaire. Dans la quasi-totalité des pays en
transition, la politique macro-économique a clairement pour objectif d'éliminer les
déséquilibres internes et externes, et en particulier d'atténuer les effets de la
déréglementation des prix. Un grand pas a été fait vers le rétablissement de l'équilibre
macro-économique, mais l'expérience de 1996 met en lumière bon nombre des difficultés
auxquelles doivent encore faire face les gouvernements des pays en transition s'efforçant
d'atteindre leurs objectifs avec des moyens d'action dont le choix reste limité par les règles
des économies de marché occidentales et qui n'ont pas toujours les effets annoncés par les
modèles des manuels fondés sur l'expérience et les institutions d'économies de marché
parvenues à maturité. Ainsi, dans les économies en transition, la demande monétaire paraît
instable et il n'existe tout au plus qu'une faible corrélation entre l'évolution de la masse
monétaire et l'évolution ultérieure des prix à la consommation Les problèmes de mise en oeuvre des politiques monétaires sont analysés longuement
au chapitre 3, sous-section 3.1 iii), ci-après. . Il semble que cela soit dû
à la fragilité ou à l'insuffisance des institutions, ainsi qu'à l'étroitesse relative des marchés
financiers ou à l'absence d'une gamme complète de ces marchés. Un certain nombre de
pays (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovénie et Croatie) n'en ont pas moins obtenu
des résultats appréciables dans leur lutte contre l'inflation, mais ce succès se traduit par des
entrées importantes et rapides de capitaux étrangers qui menacent de déstabiliser le contrôle
intérieur de la monnaie et de doper le taux de change en affaiblissant encore du même coup
la compétitivité du secteur marchand. Diverses mesures ont été prises pour sortir de ce
dilemme, la plus courante consistant à élargir les marges de fluctuation autorisées du taux
de change, mais elles se sont accompagnées également d'un resserrement de la politique
monétaire (en Hongrie, en Pologne, en République tchèque et en Slovaquie, par exemple).
Les autorités monétaires de ces pays sont ainsi de plus en plus contraintes de suivre une
voie étroite consistant à essayer de freiner l'afflux de capitaux étrangers tout en évitant de
trop durcir la politique pour qu'elle ne menace pas la reprise de la production et de
l'investissement en capital fixe.
Outre les difficultés à appliquer des politiques de stabilisation dans une économie en
transition, un autre facteur important pour déterminer si les tensions inflationnistes risquent
effectivement de déboucher sur des hausses de prix est la question de savoir si les
gouvernements peuvent résister à la tentation préélectorale d'adoucir leur politique pour
tenter de grossir le vote en leur faveur. En Albanie et en Roumanie, un relâchement excessif
de la politique monétaire au cours de la période préélectorale a contribué à la détérioration
de l'économie de ces pays en 1996, et on a observé une évolution analogue ailleurs (en
Slovénie, par exemple), mais avec des conséquences moins graves. La tentation d'essayer
de donner un coup de pouce aux revenus des ménages avant une élection est
particulièrement forte dans les pays où le long processus de transition n'a jusqu'à présent
apporté que de minces avantages à une fraction importante de l'électorat. La multiplication
récente des grèves et des manifestations de rues contre les effets de politiques de
stabilisation et de programmes de restructuration "musclés", surtout dans quelques-uns des
pays réformateurs les plus avancés, va intensifier les pressions exercées sur les
gouvernements pour qu'ils adoucissent leur politique. Les avis et avertissements des
institutions financières internationales et d'autres les invitant à résister à ces pressions
semblent n'avoir guère d'effet dans ce contexte.
d) Détérioration des comptes extérieurs
Avant 1989, la plupart des pays d'Europe orientale et de l'ex-Union soviétique
enregistraient généralement un excédent dans leur commerce de marchandises. A partir de
1990, ils ont été de plus en plus nombreux à accuser un déficit à mesure que la libération
des échanges et le processus de transformation ont pris corps et, en 1995 l'ensemble des
pays d'Europe orientale et des Etats baltes étaient déficitaires. En revanche, la moitié
environ des pays de la CEI continuaient d'afficher un excédent, l'exemple le plus frappant
étant la Russie avec un excédent important et en augmentation.
En 1996, les déficits commerciaux se sont très fortement creusés dans la majeure
partie de l'Europe orientale et les Etats baltes et, dans la plupart des cas, cette détérioration
s'est accélérée au second semestre de l'année : les déficits ont doublé en Pologne et en
Yougoslavie, sextuplé en Slovaquie et des accroissements compris entre 50 et 70 % ont été
courants ailleurs. Les principales exceptions à cette évolution concernent quelques pays où
des ajustements intérieurs ont contraint à réduire les importations (la Bulgarie, où les
importations ont chuté de plus de 20 %, et dans une moindre mesure la Roumanie et la
Slovénie). Globalement, le déficit commercial de l'Europe orientale et des Etats baltes est
passé de 23,6 milliards de dollars en 1995 à un peu plus de 37 milliards en 1996.
La plupart des pays de la CEI sont également devenus déficitaires mais dans des
proportions beaucoup moins importantes que l'Europe orientale : sauf pour l'Ukraine, les
déficits ont été pour la plupart inférieurs à 1 milliard de dollars. Cependant, tous ces déficits
ont été éclipsés par un nouvel accroissement de l'excédent russe, qui est passé de
31 milliards de dollars en 1995 à plus de 37 milliards, soit 9 % du PIB, en 1996. (Toutefois,
si l'on fait la part du commerce non recensé, l'excédent russe est estimé à 29 milliards de
dollars environ en 1996.)
Les raisons approximatives de la détérioration des comptes extérieurs en Europe
orientale et, dans une moindre mesure, dans les Etats baltes ont été un brusque
ralentissement de la croissance des exportations en valeur (de 25 % en 1995 à un peu plus
de 1 % en moyenne pour l'Europe orientale, et de 36 à 16 % pour les Etats baltes), et la
poursuite d'une forte croissance des importations (11 % en Europe orientale, 24 % dans les
Etats baltes), même si là encore la progression a été plus lente qu'en 1995.
Le ralentissement de la croissance des exportations semble être dû à un certain
nombre de facteurs externes et internes. La baisse d'activité observée en Europe occidentale
y a manifestement contribué, car la croissance de la demande d'importation émanant de
cette région a diminué de près des deux tiers entre 1995 et 1996 Il s'agit ici de la diminution de la croissance en volume des importations de
marchandises (voir chap. 2, sect. 2.5).. Toutefois, les pays de
l'Est ont été diversement affectés et quelques-uns (Pologne, Hongrie, Estonie et Lettonie)
ont encore pu afficher une progression de leurs exportations en volume comprise entre 6
et 9 %, soit davantage que la croissance du commerce mondial et ce en dépit de leur
dépendance désormais considérable à l'égard du marché très affaibli de l'Europe occidentale.
Comme il est indiqué plus haut dans le résumé de l'évolution des prix, un certain
nombre de facteurs internes ont contribué à affaiblir la compétitivité internationale du
secteur des biens marchands. La hausse des coûts salariaux unitaires et la valorisation de
la monnaie sur le marché des changes (en particulier vis-à-vis du deutsche mark) ont eu pour
effet de rétrécir les marges bénéficiaires des exportateurs et d'accroître la compétitivité des
fournisseurs étrangers sur les marchés de l'Est. De plus, les retards intervenus dans la
restructuration des entreprises industrielles, notamment les plus grandes - dont beaucoup,
sinon toutes, restent contrôlées par l'Etat - ont abouti à des gains de productivité plus
faibles que prévu. Un autre facteur réside dans le fait que le volant de capacité d'exportation
inutilisé résultant de l'effondrement de la demande intérieure et de la demande en
provenance des pays de l'ex-CAEM au lendemain des bouleversements intervenus en 1989
est aujourd'hui en grande partie résorbé; aussi une croissance soutenue et rapide des
exportations dépendra-t-elle de plus en plus de la création de capacités nouvelles et de
l'amélioration des capacités existantes. On peut donc penser également que, dans les
circonstances actuelles, une dévaluation du cours de la monnaie ne serait peut-être pas un
moyen très efficace de relancer les exportations. Qui plus est, aussi bien les exportations
de l'Europe orientale que le processus de restructuration en soi ont une forte composante
d'importation, et une dévaluation risquerait donc d'être une épée à double tranchant. La
dévaluation peut parfois être une mesure opportune, comme celle décidée en Hongrie l'an
dernier, quand on estime que le taux de change dépasse nettement sa valeur d'équilibre
(calcul toujours fragile et discutable) et qu'il existe une capacité de production inutilisée.
Mais tant du point de vue de la réduction du taux tendanciel d'inflation que de l'amélioration
de l'équilibre extérieur, la manipulation du taux de change ne saurait remplacer des
aménagements structurels de l'économie réelle.
Une question à laquelle les dirigeants des pays d'Europe orientale et des Etats baltes
vont devoir s'intéresser de plus en plus est celle de savoir si l'on pourra continuer à financer
aisément les déséquilibres extérieurs croissants ou si ces derniers risquent de peser sur la
croissance. Etant donné que la plupart des pays d'Europe orientale et des Etats baltes sont
excédentaires pour les transferts et les services (les envois de fonds des citoyens travaillant
à l'étranger et le tourisme figurant parmi les sources de revenus nets les plus importantes),
leurs déficits au titre des opérations courantes sont moins graves que leurs déficits
commerciaux. Néanmoins, la détérioration de la balance des opérations courantes reste
considérable puisque le déficit courant est passé globalement de 7,7 milliards de dollars
en 1995 à 13,5 milliards en 1996 pour l'Europe orientale, et de 0,8 milliard de dollars pour
les trois Etats baltes à plus de 1 milliard de dollars (les chiffres pour l'année complète ne
sont pas encore connus pour 1996).
L'excédent courant de la Russie est beaucoup plus faible que son excédent
commercial, en raison pour une part de l'énorme déficit du poste des voyages à l'étranger,
et il a moins augmenté que l'excédent commercial puisqu'il est passé de 9,3 milliards de
dollars en 1995 à 10,2 milliards pour les trois premiers trimestre de 1996. Les données
concernant les autres membres de la CEI sont peu nombreuses, mais le Bélarus, la
République de Moldova et l'Ukraine étaient tous trois déficitaires pour les opérations
courantes en 1996, même si ce déficit ne représentait une proportion appréciable du PIB que
dans les deux premiers de ces pays (8 et 11 % respectivement).
Malgré la détérioration de la balance des opérations courantes des pays d'Europe
orientale et des Etats baltes en 1996, le financement des déficits, principalement par des
sources privées, n'a posé jusqu'à présent aucun problème. Les entrées de capitaux étrangers
en Europe orientale l'an dernier sont estimées à un peu plus de 15 milliards de dollars, ce
qui a suffi à financer les déficits sans grossir les réserves globales. (En 1995, les entrées
s'étaient chiffrées à 24 milliards de dollars et plusieurs gouvernements avaient jugé
excessive l'addition qui avait été faite aux réserves.) Les investissements étrangers directs
(47 %) et les emprunts à moyen et long terme (22 %) sont les sources de financement les
plus importantes, tandis que les investissements de portefeuille et les capitaux à court terme
en représentent 16 % environ. Toutefois, si l'on suppose que le poste "erreurs et omissions"
recouvre essentiellement des apports à court terme, la composante à court terme
(c'est-à-dire y compris les investissements de portefeuille et les entrées de capitaux
recensées comme des apports à court terme) n'est pas négligeable (31 %).
Lorsque le déficit de la balance courante s'élève au-dessus de 5 % du PIB pendant
un temps plus ou moins long, on considère généralement qu'il s'agit d'un signal d'alarme
indiquant que des politiques correctives doivent être mises en oeuvre. Tous les Etats baltes
et bon nombre des pays d'Europe orientale ont aujourd'hui franchi ce seuil, dont plusieurs
avec une marge importante, et les prévisions actuelles indiquent une nouvelle détérioration
dans un certain nombre de ces pays en 1997 (Croatie, Pologne, République tchèque et
Slovaquie, par exemple). Cela signifie-t-il que les gouvernements vont devoir agir pour
enrayer l'aggravation de leur déficit extérieur et du même coût réduire leur taux de
croissance ? En effet, comme dans toutes les règles empiriques, le franchissement du seuil
des 5 % n'est qu'un premier avertissement invitant à être plus attentif à ce qui pourrait se
produire et aux risques que cela comporte.
La viabilité des déficits en compte courant (ou des emprunts extérieurs) dépend
fondamentalement du sentiment qu'ont les investisseurs étrangers qu'un pays pourra à
terme dégager suffisamment de recettes d'exportation nettes pour assurer le service et le
remboursement de ses dettes. Si tel est leur sentiment, les investisseurs étrangers
continueront de soutenir le déficit d'un pays - et il existe de nombreux exemples de pays
dont le déficit est resté supérieur à 5 % du PIB pendant de nombreuses années (dont
l'Irlande et Israël parmi les pays membres de la CEE). La question essentielle ici est de savoir
si le pays offre de multiples possibilités d'investissement et si les conditions intérieures sont
favorables aux investisseurs. Une récente étude G.M. Milesi-Ferretti et A. Razin, "Sustainability of persistent current account deficits", NBER Working Paper No 5467 (Cambridge, MA), 1997. a montré qu'un déficit courant de plus de
5 % ne risquait de faire problème que lorsqu'un ensemble de conditions étaient réunies :
petit secteur d'exportation, important service de la dette, bas niveau d'épargne intérieure,
faible secteur financier dominé par des banques assujetties à une réglementation peu
contraignante.
Les résultats en fonction de tous ces critères des pays d'Europe orientale et des pays
baltes où des réformes rapides ont été engagées sont certes mitigés, mais loin d'être
mauvais. Ces pays offrent en effet de considérables possibilités d'investissement, et
l'investissement fixe, intérieur et étranger, progresse vivement dans certains d'entre eux et
parfois même plus rapidement que la consommation, notamment en Europe centrale. Il faut
également souligner que, d'après les données disponibles, rien n'indique que les déficits
courants des pays d'Europe orientale soient utilisés pour financer un boom des importations
de biens de consommation. En 1995, les biens d'équipement ont représenté en moyenne
27 % environ des importations totales et les biens intermédiaires manufacturés une
proportion supplémentaire de 40 %; la part des biens de consommation manufacturés était
d'environ 19 % D'après les données sur le commerce de la base de données COMTRADE des Nations
Unies pour la Bulgarie, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie,
compilées pour une étude en cours du secrétariat de la CEE. L'analyse s'appuie sur les données
relatives aux exportations de 19 pays de l'OCDE vers leurs partenaires d'Europe orientale.. Entre 1993 et 1995, les biens de consommation finale manufacturés
n'ont représenté que 17 %, en moyenne, de la hausse des importations totales. Si la plus
grande importance est souvent accordée aux importations de biens d'équipement, il est à
noter que les importations de biens intermédiaires manufacturés jouent également un grand
rôle dans la modernisation des structures de production, où ils contribuent à améliorer la
qualité de la production et ont des retombées positives pour le reste de l'économie D.T. Coe, E. Helpman et A.W. Hoffmaister, "North-south R&D spillovers", The
Economic Journal, vol. 107, No 440, janvier 1997, p. 134 à 149. Fondamentalement, les importations
de biens d'équipement et de biens intermédiaires permettent aux pays importateurs d'avoir accès aux
résultats de la R-D dans le pays d'origine. Les retombées positives sont d'autant plus grandes que les
importations proviennent de pays de haute R-D et que le stock de capital humain dans le pays
importateur est élevé.. La
structure des importations des pays en transition d'Europe orientale apparaît ainsi en
harmonie avec les efforts de restructuration économique de ces pays.
Pour ce qui est des autres critères mentionnés plus haut, la plupart des pays d'Europe
orientale et des pays baltes ont une économie ouverte, dotée d'un secteur d'exportation
relativement large : la part des exportations dans le PIB allait de 19 % (en Pologne) à un peu
moins de 50 % (en Slovaquie et en Estonie) en 1996 On trouvait les plus faibles secteurs d'exportation en Albanie (8 % du PIB) et en
Yougoslavie (13 %).. Concernant l'endettement extérieur,
l'Europe orientale est désormais considérée comme une région comparativement peu
endettée, avec des ratios bruts dette-exportations d'environ 100 en moyenne et des ratios
nets dette-exportations de seulement 56 %. Ces ratios sont beaucoup plus faibles dans les
Etats baltes. Les ratios des pays les plus endettés - Albanie, Bulgarie, Hongrie et Pologne -
ont considérablement diminué ces dernières années, mais ils se sont détériorés en Bulgarie
l'année dernière et ont fortement augmenté pour l'ex-République yougoslave de Macédoine.
Les niveaux actuels d'encours et de service de la dette extérieure ne semblent donc pas
poser de problème pour la majorité des pays d'Europe orientale et des pays baltes.
Il en va tout autrement du système financier, qui est désormais largement considéré
comme l'un des éléments les plus fragiles de l'ensemble du processus de transition. Les
crises survenues au cours des quelque douze derniers mois en Albanie et en Bulgarie ont jeté
un éclairage brutal sur ce problème, mais beaucoup d'éléments constitutifs de la crise qui
s'est produite dans ces deux pays - faible qualité des portefeuilles d'actifs des banques,
"relations privilégiées" entre les banques, les entreprises d'Etat et les ministères,
réglementation laxiste ou inexistante, large défiance populaire à l'égard du système bancaire
- se retrouvent à des degrés divers ailleurs en Europe orientale et dans la CEI Voir les sous-sections 3.1 ii) et 3.1 iii) du chapitre III.
. Pour
préserver la confiance des investisseurs étrangers, les gouvernements des pays en transition
devront faire des progrès réels et patents en matière de réforme de leurs systèmes financier
et bancaire et de restructuration de leurs capacités productives. Grâce à quoi - et il pourrait
être utile à cet égard que les gouvernements définissent leurs programmes à moyen terme
dans la perspective d'une transformation (inévitable) à terme des déficits courants en
excédents - on pourra probablement éviter des crises de balance des paiements, et donc des
réductions brutales et douloureuses des capacités d'absorption intérieure. Il faut également
souligner que, contrairement aux pays d'Europe occidentale qui, à la fin des années 40 et
dans les années 50, ont bénéficié du Plan Marshall et d'autres soutiens publics pour le
financement de leurs déficits courants pendant un certain nombre d'années, ce qui a
soutenu la croissance et la reconstruction, les pays en transition sont largement tributaires
de flux financiers privés qui sont beaucoup moins stables et assurés que des engagements
publics. Il est donc d'autant plus essentiel que les programmes de réforme et d'ajustement
soient jugés sérieux, cohérents et transparents par ceux qui financent les déficits. Tout signe
d'enlisement des réformes - ou de laxisme dans la régulation de la demande, pour des
raisons électorales par exemple - pourrait entraîner une diminution rapide des apports nets
de ressources financières et compromettre la signature du pays sur les marchés financiers
internationaux.
e) Europe du Sud-Est
Les deux grandes crises qui se sont produites en Bulgarie et en Albanie en 1996 - et
qui n'ont pas encore été surmontées, bien que des progrès aient été faits en Bulgarie - ont
brutalement mis en lumière la fragilité du processus de transition dans certains pays et
montré combien il pouvait être trompeur et dangereux de ne s'intéresser qu'à l'évolution de
quelques variables macro-économiques en tant qu'indicateurs de progrès et de résultat. Le
taux de croissance de 9 % et plus enregistré en Albanie entre 1993 et 1995 et la réduction
du taux d'inflation de près de 200 % en 1992 à 6 % en 1995 ont naturellement été jugés
impressionnants; l'inflation est restée beaucoup plus élevée en Bulgarie, mais elle a
néanmoins été ramenée de plus de 300 % en 1991 à 33 % en 1995, tandis que le PIB
progressait modestement à un rythme de 2 % environ entre 1993 et 1995. Toutefois,
passer d'une inflation à trois chiffres à une inflation à deux chiffres ou obtenir une
augmentation rapide d'une production tombée à des niveaux exceptionnellement bas est,
comme il a déjà été indiqué dans la présente Etude, la partie relativement aisée - même si
elle reste extrêmement importante - du processus de redressement. En revanche, une reprise
soutenue dans une économie de marché suppose au préalable l'existence et le bon
fonctionnement des conditions institutionnelles de base nécessaires au soutien de l'activité
économique dans un système de marché. Les événements immédiats qui ont déclenché les
crises, ainsi que le contexte plus général dans lequel celles-ci se sont produites, différaient
à l'évidence beaucoup dans chaque pays. Mais dans l'un et l'autre cas, l'origine
fondamentale des crises a été le "vide institutionnel" créé par la disparition rapide de l'ancien
système d'organisation économique, tandis que les nouvelles institutions nécessaires au
fonctionnement d'un système de coordination en économie de marché tardaient à se mettre
en place. La création d'un tel système demande du temps et cela explique en partie non
seulement l'ampleur et la durée de la récession au cours de la période de transition dans la
plupart des pays en transition, mais aussi la prolifération de la recherche de rentes, de la
corruption et des activités criminelles. Le sous-développement du secteur financier est une
illustration particulièrement importante de ce problème général : en l'absence d'encadrement
institutionnel et réglementaire efficace des activités bancaires et autres activités financières,
les risques de crédit ne répondent pas à une évaluation commerciale des risques et profits,
et cette absence de discipline financière fait du secteur financier davantage un obstacle
qu'un soutien à une croissance économique soutenue et à la création d'une économie
capitaliste moderne. Cette absence de progrès dans la mise en place des conditions d'un
développement soutenu signifie également que les effets de la stabilisation ont tendance à
ne pas durer : certaines conditions macro-économiques de la croissance sont créées, mais
la croissance ne suit pas. Pour la majorité de la population, les coûts d'ajustement se
prolongent et les avantages promis sont différés, sauf pour la minorité qui est en mesure de
s'enrichir par des activités hors marché. Cela conduit tout droit aux troubles sociaux et à
l'instabilité politique.
Parce que les crises bulgare et albanaise ont été aussi extrêmes - en particulier la
seconde dans ses conséquences - il est naturellement tentant d'en faire des exceptions.
Mais la plupart des éléments fondamentaux de ces crises se retrouvent sous une forme ou
une autre dans tous les pays en transition, notamment dans certains autres pays d'Europe
du Sud-Est - à savoir les Etats ayant succédé à l'ancienne Yougoslavie (à l'exception de la
Slovénie) et la Roumanie - ainsi que dans la plupart des pays de la CEI. Dans les pays
d'Europe centrale, en particulier les pays membres de l'Accord de libre-échange de l'Europe
centrale, certaines institutions font encore défaut, ou sont inefficaces ou insuffisamment
développées, mais le développement institutionnel et économique général de ces pays est
désormais tel que les risques de crise grave sont aujourd'hui relativement faibles, en tout
cas bien inférieurs aux risques en Europe du Sud-Est.
Une crise survient toujours à un moment et sous une forme inattendus, mais les
dangers et les risques créés par l'existence d'un "vide institutionnel" ont été soulignés dans
de précédentes livraisons de l'Etude Par exemple, CEE/ONU, Etude sur la situation économique de l'Europe en 1989-1990,
chap. 1; et Etude sur la situation économique de l'Europe en 1992-1993, chap. 1. et dès la fin de 1991 CEE/ONU, Bulletin économique pour l'Europe, vol. 43 (1991), p. 10 et 11, et livraisons
ultérieures., il a été indiqué qu'un
processus de transition à deux vitesses se dessinait en Europe orientale, les pays à la traîne
étant l'Albanie, la Bulgarie et la Roumanie. Ces trois pays ont eu beaucoup plus
de difficultés que les pays de l'Accord de libre-échange de l'Europe centrale à rompre avec
leur passé communiste, à établir la légitimité démocratique de leur gouvernement et à
engager des programmes efficaces de réforme et de stabilisation CEE/ONU, Etude sur la situation économique de l'Europe en 1990-1991, chap. 4.5
("Les retardataires" : Bulgarie, Roumanie), p. 175 à 179.. Il était tentant alors
- et aujourd'hui encore - pour de nombreux observateurs d'affirmer que cela s'expliquait
simplement par un manque de volonté de réforme et de discipline des gouvernements. Cela
peut être vrai à première vue, mais il faut se demander pourquoi des gouvernements ne
persistent pas dans des politiques qu'eux-mêmes, et leur électorat, considèrent souvent
comme nécessaires pour assurer leur prospérité future D. Rodrik, "Understanding economic policy reform", Journal of Economic Literature,
XXXIV, mars 1996, p. 9 à 41.. Une partie au moins de la réponse
réside dans l'incertitude ex ante des individus, qui se demandent s'ils ont réellement
et personnellement profité des réformes, même s'ils pensent que ce sera le cas pour la
majorité CEE/ONU, Etude sur la situation économique de l'Europe en 1992-1993, p. 13.. Cette incertitude individuelle peut en fait être d'autant plus grande que
les individus sont plus pauvres, tout simplement parce qu'ils se sentent plus menacés que
ceux qui sont économiquement mieux nantis. La tendance à préférer le statu quo est donc
plus forte dans de tels pays.
Les pays d'Europe du Sud-Est sont généralement beaucoup plus pauvres que les
autres pays en transition d'Europe orientale, bien que l'une des conséquences de leur passé
socialiste commun soit que pour de nombreux indicateurs de développement (tels que
l'espérance de vie et l'alphabétisation), il n'y ait pas de différence sensible entre les deux
groupes de pays L'espérance de vie dans cinq pays d'Europe du Sud-Est (Albanie, Bulgarie, Croatie,
ex-République yougoslave de Macédoine et Roumanie) était en moyenne de 72 ans en 1994, et de 72,2
ans dans les cinq pays membres de l'Accord de libre-échange de l'Europe centrale (Hongrie, Pologne,
République tchèque, Slovaquie et Slovénie). La différence entre l'ensemble des pays en transition et
la moyenne pour l'Europe occidentale (76,8 ans) est toutefois appréciable (sur la base d'un test t à un
niveau de signification de 5 %). Données provenant de la Banque mondiale, Rapport sur le
développement dans le monde, 1996 (Washington, D.C.), 1996, tableau 1.; même les pays les plus pauvres d'Europe du Sud-Est affichent pour ces
indicateurs des valeurs bien supérieures à celles de la plupart des autres pays ayant un
revenu par habitant comparable. Mais en termes de PIB nominal par habitant, les cinq pays
de l'Accord de libre-échange de l'Europe centrale se trouvaient dans une situation presque
trois fois plus favorable que celle des pays d'Europe du Sud-Est en 1994, et bien que l'écart
se réduise à 1,6 fois après ajustement en fonction des parités des pouvoirs d'achat, on
continue d'observer des différences notables A savoir que la différence entre les médians était significative à un niveau de confiance
de 5 % pour le test t. Les données sur le PIB proviennent également de la Banque mondiale, loc. cit.,
tableau 1. Dans la classification de la Banque mondiale (1994), l'Albanie est classée dans les pays à
"faible revenu" et se trouve entre la République centrafricaine et le Ghana. La Bulgarie, l'ex-République
yougoslave de Macédoine et la Roumanie se trouvent toutes dans la moitié inférieure du groupe de pays
à revenu "moyen inférieur" et se situent entre la Bolivie et l'Equateur; la Croatie fait partie de la
première moitié du groupe de pays à "revenu moyen inférieur" et se place entre la Pologne et la
Slovaquie; la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie ne sont pas classées. dans les niveaux de revenu par habitant.
L'effondrement de la production au cours de la période de transition dans les pays
pauvres d'Europe du Sud-Est a été plus marqué que dans les pays d'Europe centrale :
en Albanie, en Bulgarie, en Croatie, en Roumanie, dans l'ex-République yougoslave de
Macédoine et en Yougoslavie, le PIB a chuté en moyenne, entre 1989 et 1992 ou 1993, de
près de 40 % Si l'on exclut la Croatie et la Yougoslavie, pays qui étaient en guerre, la moyenne
s'établit encore à 35 %., contre une moyenne d'environ 18 % pour les cinq pays de l'Accord de
libre-échange de l'Europe centrale. Le marasme de la production en Europe du Sud-Est,
même s'il n'a pas été aussi prononcé que dans les Etats baltes, a été plus proche de ce qui
s'est passé dans la CEI que dans le reste de l'Europe orientale.
Les autres "conditions initiales" à partir desquelles la plupart des pays du Sud-Est se
sont engagés dans l'édification d'une économie de marché ont également été plus
défavorables que dans les pays de l'Accord de libre-échange de l'Europe centrale.
La Bulgarie était beaucoup plus dépendante de son commerce avec l'Union soviétique que
d'autres pays d'Europe orientale, ce qui a non seulement aggravé le marasme de la
production, mais aussi rendu relativement plus difficile l'adaptation des structures de
production et d'exportation à la demande des marchés occidentaux. En Albanie, la longue
période d'isolement du reste du monde a également provoqué de considérables problèmes
d'adaptation, et l'Albanie, la Bulgarie et la Roumanie présentaient toutes des structures
d'exportation relativement défavorables (forte proportion de produits agricoles ou de
"produits sensibles") pour tirer parti des nouveaux marchés d'Europe occidentale. La
Bulgarie a également commencé sa transition avec des niveaux élevés d'endettement, et à
un stade relativement précoce du processus tous les pays de la région ont été touchés, à
des degrés divers, par les sanctions économiques imposées à l'Iraq et à la Yougoslavie.
Outre les chocs économiques, l'héritage communiste dans ces pays a probablement été
beaucoup plus défavorable qu'en Europe centrale : l'existence de régimes plus durs a
empêché presque toute réforme avant 1989 et n'a guère favorisé l'émergence de partis
d'opposition qui auraient pu élaborer et appliquer des programmes de changement cohérents
une fois réunies les conditions pour qu'ils puissent prendre la direction du pays.
Il a été très peu tenu compte de cet héritage historique lorsque la communauté
internationale a commencé de fournir une assistance aux pays en transition. Les relations
entre les pays d'Europe du Sud-Est et les institutions financières internationales se sont
développées lentement Bien que la Roumanie soit membre du FMI depuis les années 70. et ces pays ont eu plus de difficultés que les autres pays en
transition à accéder plus largement aux marchés occidentaux. Au début des années 90, les
engagements en matière d'assistance à l'Albanie, à la Bulgarie et à la Roumanie non
seulement ont souvent été inférieurs aux estimations du FMI concernant les besoins de
financement à court terme des déficits courants, mais en outre les montants approuvés ont
généralement été versés en retard sur les calendriers fixés, d'où des pénuries de liquidité et
la nécessité de réduire plus que de besoin les importations essentielles CEE/ONU, Bulletin économique pour l'Europe, vol. 43 (1991), p. 10 et 11; ibid., vol.
44 (1992), p. 9, 113 et 114; et Etude sur la situation économique de l'Europe en 1992-1993, p. 301
à 303.. L'explication de
ces retards tenait généralement à la lenteur des réformes et aux doutes quant à la
détermination même des divers gouvernements d'engager des réformes économiques et
démocratiques. Bien que ces doutes n'aient certainement pas été sans fondements, c'était
là faire fi du risque que ces pays tombent dans le piège d'un "vide institutionnel" : les
anciennes institutions étaient discréditées et paralysées, mais les forces intérieures de la
réforme étaient encore trop faibles pour proposer des alternatives viables. Tous ceux qui
étaient à la recherche de rentes et défendaient leurs droits acquis, criminels ou non, et qui
étaient en mesure d'exploiter ce vide institutionnel ont ainsi rendu plus difficile encore la
transition.
Le processus de transition dans les pays d'Europe du Sud-Est apparaît aujourd'hui
d'extrêmement vulnérable. Une appréciable libéralisation du commerce et des prix, y compris
des taux d'intérêt et du crédit, a été réalisée dans plusieurs de ces pays, mais la structure
institutionnelle nécessaire pour que les nouvelles forces du marché puissent fonctionner de
façon optimale d'un point de vue social reste très insuffisante dans maints domaines
essentiels. De vastes réformes juridiques ont été exécutées dans la plupart des pays, où
l'administration et l'appareil judiciaire restent toutefois souvent faibles; la privatisation des
petites entreprises a été rapide et générale, mais celle des grandes entreprises d'Etat a été
extrêmement lente et peu d'efforts ont été faits pour démanteler et restructurer les
entreprises dominantes. Les politiques de concurrence restent embryonnaires et nombreuses
sont les restrictions à l'entrée sur différents marchés de nouveaux compétiteurs. Tous ces
problèmes sont communs à la plupart des pays en transition, mais ils se posent
généralement avec plus d'acuité dans les pays d'Europe du Sud-Est Pour une analyse utile des progrès réalisés dans ce domaine, voir BERD, Transition
Report, 1995 (Londres) 1995, tableau 2.1 et ibid., 1996, tableau 2.1., p. 11 à 13..
L'une des principales faiblesse institutionnelles concerne toutefois le système
bancaire et financier. Les "pyramides" financières en Albanie n'ont été exceptionnelles que
par l'ampleur des sommes que la population y a investi et par les conséquences
économiques, sociales et politiques dramatiques qu'a eues leur effondrement. Mais elles
étaient fondamentalement une illustration de ce "vide institutionnel" évoqué plus haut -
absence d'institutions et d'instruments financiers appropriés pour le placement de l'épargne
ainsi que de toute réglementation efficace pour non seulement interdire certaines pratiques
financières, mais aussi limiter les effets systémiques d'une crise financière. La naïveté et la
crédulité qui ont conduit la population albanaise à risquer son épargne en échange de la
promesse de gains excédant toute probabilité raisonnable ne sont pas caractéristiques des
pays d'Europe du Sud-Est; on les trouve non seulement dans tous les pays en transition,
mais aussi dans tous les pays occidentaux à économie de marché.
La description des problèmes du système bancaire en Bulgarie qui est faite plus loin
dans la présente Etude vaut plus ou moins pour la plupart des pays d'Europe du Sud-Est,
y compris la Yougoslavie. La plupart des banques dans ces pays sont grevées de créances
douteuses (prêts non productifs) et beaucoup sont insolvables au regard des normes
bancaires occidentales; des prêts continuent d'être accordés à des entreprises déficitaires
du secteur public, en raison de pressions politiques ou de relations personnelles, mais aussi
pour empêcher que n'apparaissent au grand jour des problèmes de bilan; et les pouvoirs de
réglementation et de contrôle des banques centrales sont le plus souvent insuffisants. En
outre, la population se méfie généralement des institutions et des instruments financiers -
c'est un sentiment ancien dans certains Etats de l'ex-Yougoslavie où les dépôts en devises
ont été gelés au début des années 90, mais la crédibilité des institutions financières et des
banques s'est de toute évidence dégradée à la suite des crises de l'an dernier. Incapable de
jouer un rôle constructif dans le processus de transition, le système bancaire dans maints
pays d'Europe du Sud-Est est en fait aujourd'hui un important obstacle au progrès.
La réforme du système financier est donc une priorité de la plupart des programmes
de réforme ainsi que des programmes d'assistance financière et technique des institutions
financières internationales (y compris la BERD). Mais la fragilité des systèmes bancaire et
financier est étroitement liée à la lenteur du développement du secteur privé et à l'absence
des autres institutions nécessaires au fonctionnement de l'économie de marché. Une action
devra donc être engagée sur un large front et les réformes devront s'inscrire dans un cadre
cohérent. En outre, des mesures urgentes doivent être prises pour rétablir la stabilité
macro-économique. La question se pose donc de savoir si les réponses classiques de la
communauté internationale seront suffisantes pour garantir le succès en l'occurrence. La
Roumanie a conclu quatre accords de confirmation avec le FMI depuis avril 1991 et tous ont
été suspendus parce que le Gouvernement roumain n'était pas en mesure de satisfaire aux
conditions du Fonds. La différence est aujourd'hui que le pays est dirigé par un nouveau
gouvernement élu démocratiquement par une population favorable aux réformes. Toutefois,
alors que les électeurs veulent des résultats rapides, les problèmes de développement et de
transition de la Roumanie et des autres pays d'Europe du Sud-Est restent considérables et
ne peuvent être résolus rapidement - les changements institutionnels essentiels ne peuvent
résulter d'un "traitement de choc".
Les événements récents ont mis en lumière non seulement le manque de mécanismes
et de garanties institutionnelles pour faire face à des chocs et à des bouleversements graves,
mais aussi le risque qu'en l'absence de telles garanties les difficultés économiques ne
dégénèrent rapidement en une crise politique et sociale plus vaste, extrêmement difficile à
maîtriser. Les deux crises ouvertes de l'an dernier soulèvent d'importantes questions non
seulement pour les décideurs dans tous les pays en transition Les avertissements n'ont pas été ignorés dans la CEI. Dans la République de Moldova,
le Premier Ministre adjoint, M. I. Gutu, a déclaré que d'après les statistiques actuelles, la situation au
Moldova ressemblait à celle de la Bulgarie un an auparavant et il a souligné la nécessité d'engager les
réformes nécessaires au cours des "quelques prochains mois" (OMRI, Daily Digest, 26 mars 1997). Le
Premier Ministre ukrainien, M. Larzarenko, aurait également déclaré que "la terrible expérience bulgare
ne se reproduira pas en Ukraine" (Financial Times, 13 mars 1997)., mais aussi pour les pays
et les institutions en mesure de fournir une assistance. Ces difficultés de la transition en
Europe du Sud-Est ramènent également au premier plan du débat public un certain nombre
de questions concernant les objectifs et les méthodes de l'octroi d'une assistance à des pays
qui restent confrontés à de considérables problèmes non seulement pour dépasser l'étape
de la transition, mais aussi pour se doter d'institutions et de formes de gouvernement
démocratiques.
Surmonter ces problèmes exige une action concertée et un engagement à long terme
des décideurs dans les pays en transition eux-mêmes et de la communauté internationale.
Cela impose également de fournir beaucoup plus rapidement une assistance financière - qui
n'est pas disponible localement - plus généreuse et mieux ciblée. L'aide sera probablement
d'autant plus utile aux gouvernements dans leurs politiques de stabilisation qu'elle sera
versée rapidement, tandis que tout retard dans le versement de la même aide peut en fait
avoir des effets pervers A. Casella et B. Eichengreen, "Can foreign aid accelerate stabilization ?", The Economic
Journal, vol. 106, mai 1996, p. 605 à 619.. Une assistance efficace peut également contribuer à réduire les
incertitudes ex ante des individus, incertitudes qui peuvent être un frein aux réformes. Une
telle assistance devrait être considérée non pas comme un acte de générosité conditionné
par les restrictions budgétaires que connaissent les pays d'Europe occidentale et d'autres
pays, mais comme une forme d'investissement public inspiré par l'intérêt bien compris des
donateurs eux-mêmes. Une stabilité économique et politique accrue en Europe et dans la
région de la CEE dans son ensemble serait l'un des profits que retireraient les donateurs de
leur action. A l'inverse, de nouvelles crises risquent de provoquer encore plus de chaos et
de destructions, avec de graves répercussions sur les pays voisins, tout d'abord, puis à
terme sur le reste de l'Europe.
iii) L'Europe occidentale et l'Amérique du Nord en 1996
La croissance économique en Europe occidentale s'est renforcée au cours de 1996,
mais pour l'année dans son ensemble, le taux moyen de croissance - un peu moins de 2 % -
est resté nettement inférieur au taux enregistré en 1995. (En tenant compte d'une révision
des données relatives aux comptes nationaux pour 1995, le résultat a été légèrement
meilleur qu'il n'était prévu dans l'Etude de l'an dernier.) Des quatre grands pays européens,
seul le Royaume-Uni, dont le cycle économique diverge de celui des pays d'Europe
continentale depuis 1993, a conservé un taux d'expansion appréciable, même si la
croissance dans beaucoup de petits pays a été légèrement supérieure à la moyenne pour
l'Europe occidentale. D'après des données encore provisoires, la reprise en Europe
continentale s'est ralentie au dernier trimestre de 1996, alors qu'on enregistrerait une
accélération au Royaume-Uni dans les derniers mois de l'année.
Le principal moteur de la croissance en Europe occidentale l'an dernier a été la
progression des exportations, principalement à destination des Etats-Unis, des pays en
transition d'Europe orientale et des pays en développement. Beaucoup de pays ont profité
des avantages comparatifs procurés par l'appréciation du dollar et d'une croissance plus
forte de la demande dans des pays tels que les Etats-Unis. Mais l'impulsion donnée par les
exportations nettes n'a pas été suffisamment vigoureuse pour relancer de façon appréciable
la demande intérieure. En général, les dépenses privées de consommation en Europe
occidentale ont augmenté d'un peu plus de 2 % - guère plus qu'en 1995 - et ont continué
d'être freinées par une croissance modeste des rémunérations et des salaires ainsi que de
l'emploi. Les dépenses publiques de consommation ont très peu augmenté (1,4 % en
moyenne, la seule forte augmentation pour les principaux pays ayant été observée en
Allemagne) en raison de la poursuite des efforts déployés pour satisfaire aux critères
d'entrée dans l'Union européenne définis à Maastricht.
Toujours dans le cadre des efforts de compression des dépenses budgétaires,
l'investissement fixe des gouvernements a fortement diminué dans un certain nombre de
pays et pour la deuxième année consécutive en France, en Allemagne et au Royaume-Uni.
L'investissement fixe des entreprises a été assez peu dynamique et celles-ci, anticipant un
accroissement relativement faible de la production, ont réduit leurs plans d'investissement
en cours d'année. Les investissement réalisés semblent avoir davantage servi à une
rationalisation qu'à une expansion des capacités. En volume, l'investissement fixe total a
augmenté de 3 % en 1996 et n'a été que de 2,5 % supérieur au taux enregistré en 1990
(1 % seulement si l'on exclut la Turquie). Cette situation est quelque peu préoccupante, car
elle implique un certain retard dans la modernisation technologique de l'économie
européenne et, à terme, un ralentissement de la création d'emplois nouveaux. Le coût du
capital ayant diminué et les taux de rendement ayant augmenté, le principal frein à
l'investissement semble être la médiocrité des perspectives de croissance économique.
L'économie des Etats-Unis, par contre, a poursuivi son expansion pour la sixième
année consécutive (l'actuelle phase d'expansion a commencé au début de 1991). La
croissance s'est en fait renforcée tout au long de l'année et a été supérieure de 2,5 % à
celle de 1995. L'expansion a été générale, mais la progression de l'emploi, la hausse des
revenus réels et un regain de confiance des consommateurs ont fait que les dépenses des
ménages (en hausse de 2,5 %) en ont été le principal moteur. Les investissements des
entreprises ont néanmoins aussi fortement augmenté, encouragés par un taux élevé
d'utilisation des capacités, une hausse des profits et des anticipations de poursuite de
la croissance. Contrairement aux entreprises d'Europe occidentale, les entreprises
américaines ont également augmenté leurs capacités de production et beaucoup investi dans
de nouvelles technologies. La vigueur de la demande intérieure aux Etats-Unis a dynamisé
l'économie mondiale en 1996, les importations de biens et services progressant de près de
6,5 % et produisant une légère érosion nette du taux de croissance intérieure.
A maints égards, le comportement de l'économie canadienne l'an dernier a été plus
proche de celui de l'économie des pays d'Europe occidentale que de celui de l'économie des
Etats-Unis : la croissance annuelle s'est établie à 1,5 % en moyenne, en léger retrait par
rapport à 1995; un marché du travail relativement atone et un alourdissement de la fiscalité
ont freiné la croissance du revenu disponible des ménages, bien que la consommation ait
augmenté, en grande partie à cause d'une forte diminution du taux d'épargne;
l'investissement fixe des entreprises a également davantage porté sur la rationalisation que
sur l'expansion des capacités.
Malgré un resserrement du marché du travail et la vigueur de la demande de
consommation aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, le taux d'inflation dans ces deux pays est
resté modéré et l'on a seulement observé des signes sporadiques de tensions inflationnistes
naissantes, bien qu'à la fin de mars 1997 la Réserve fédérale les ait jugés suffisants pour
justifier un léger relèvement du taux des fonds fédéraux. En Europe continentale, l'inflation
a continué de se ralentir, ce qui a permis à un certain nombre de pays d'assouplir leur
politique monétaire; des anticipations quant à une évolution favorable des taux d'intérêt sur
les valeurs américaines et britanniques ont renforcé le dollar et la livre sterling vis-à-vis des
monnaies continentales pendant une grande partie de l'année, ce qui a amélioré la
compétitivité des exportations des pays d'Europe continentale. Les taux européens
d'inflation des prix à la consommation ont continué de diminuer pendant la plus grande
partie de 1996 et le taux moyen pour l'ensemble de l'année s'est établi juste en dessous
de 2,5 %, soit le plus faible taux enregistré depuis plus de 30 ans. La situation ne devrait
guère évoluer dans un proche avenir. Une légère hausse pourrait se produire aux Etats-Unis
et au Royaume-Uni, mais dans le reste de l'Europe, une poursuite de la décélération semble
plus probable que l'inverse.
En raison de la faiblesse des taux et de la médiocrité des anticipations concernant
la croissance économique en Europe occidentale, il n'y a pour ainsi dire pas eu
d'accroissement du niveau moyen d'emploi. On a enregistré quelques créations d'emploi au
Royaume-Uni, en particulier au second semestre, et dans quelques petits pays, mais d'une
manière générale, les hausses ont été moindres qu'en 1995. La plupart des emplois
nouveaux ont été créés dans le secteur des services. Mais si en Europe le nombre d'emplois
a augmenté d'à peine 0,3 % en moyenne, aux Etats-Unis, la création d'emplois est restée
vigoureuse, à un taux de 1,4 % en dépit des hausses plus fortes enregistrées les trois
années précédentes. L'emploi a également augmenté davantage au Canada qu'en Europe
au cours des trois dernières années, et l'an dernier la hausse (1,3 %) a été proche de celle
observée aux Etats-Unis, bien que la croissance du PIB canadien ait été sensiblement
inférieure.
En raison de l'atonie de la production et de l'emploi en Europe occidentale, peu de
progrès ont été faits dans la lutte contre un chômage continuellement élevé dans l'ensemble
de la région. Le taux moyen de chômage en 1996 s'est établi à 10,3 %, soit une
progression par rapport à 1995 et un niveau équivalant à celui de 1993. Pour les quatre
grands pays d'Europe occidentale, il a varié en 1996 de 8,2 % au Royaume-Uni - seul pays
des quatre à avoir enregistré une diminution - à 12,3 % en France. On a observé une légère
diminution dans quelques petits pays, avec un taux de chômage allant de 3 % au
Luxembourg à plus de 20 % en Espagne.
Malgré la considérable déréglementation des marchés européens du travail de ces
dernières années, la faiblesse de la croissance de la demande et de la production continue
de faire obstacle à toute réduction appréciable du chômage. La principale exception
concerne le Royaume-Uni, où la croissance de la production a été relativement vigoureuse
à partir du début de 1993. Les perspectives d'une réduction sensible du chômage en Europe
restent assez médiocres. L'orientation de la politique économique est dominée par le souci
de satisfaire aux critères de Maastricht en matière de déficits publics, ce qui implique la
poursuite de politiques budgétaires rigoureuses pour l'année à venir. Bien qu'elle ait été
quelque peu assouplie en 1996, on peut s'attendre à ce que la politique monétaire reste
relativement ferme étant donné les ambitieux objectifs désormais fixés en matière
d'inflation, comme en témoigne la décision de la Bundesbank de descendre à un taux de
1,5 %. Ce n'est donc pas dans l'immédiat que l'on peut s'attendre à ce que la croissance
en Europe occidentale retrouve des taux qui favoriseraient une diminution sensible du
chômage.