BULLETIN ECONOMIQUE POUR L'EUROPE
1997 (VOL. 49)
15 décembre 1997
Dans la dernière édition du Bulletin économique pour
l'Europe, la Commission économique des Nations Unies
pour l'Europe (CEE/ONU) examine l'évolution économique récente
des pays occidentaux à économie de marché et des pays en
transition d'Europe centrale et orientale et de la Communauté
d'Etats indépendants (CEI).
Le chapitre premier passe en revue les principaux
aspects de l'évolution macro-économique de l'économie
mondiale, en Europe (orientale et occidentale), en Amérique du
Nord et dans la CEI en 1997. Il analyse certains des effets
possibles des turbulences financières récemment observées sur
les marchés mondiaux, notamment pour les économies en
transition.
Le chapitre 2 dresse un panorama de l'évolution
récente du commerce extérieur de l'Europe orientale, des Etats
baltes et de la CEI, y compris de leurs échanges mutuels. Le chapitre 3 fait de même pour leurs balances courantes et la situation
de leurs paiements extérieurs.
Le chapitre 4 examine l'augmentation considérable
des apports de capitaux enregistrée en Europe orientale entre
1990 et 1996 et analyse les dilemmes et les problèmes qui en
résultent pour la politique macro-économique, ainsi que les
mesures adoptées par les autorités monétaires.
Enfin, on trouvera dans le Bulletin un appendice
statistique détaillé où figurent, notamment, des séries
macro-économiques clefs pour tous les pays en transition pour la
période allant de 1982 à 1996. (Les données se rapportant au
premier semestre de 1997 figurent dans le corps du texte.)
Ce communiqué de presse est centré sur quelques-uns des
points principaux abordés dans le chapitre premier du Bulletin.
Pour des informations complémentaires, veuillez
contacter:
Division d'analyse économique
Commission économique des Nations Unies
pour l'Europe (ONU-CEE)
Palais des Nations
CH - 1211 Genève 10
Suisse
Tél: +(41 22) 917 2718
Fax: +(41 22) 917 0309
E-mail: [email protected]
Europe occidentale et Amérique du Nord
Evolution récente et perspectives à court
terme
En Europe occidentale, la reprise
cyclique s'est accélérée en 1997 et les prévisions permettent
maintenant de tabler sur un taux de croissance annuel moyen du
PIB réel de 2,6 %, un peu plus élevé que ce qui était
envisagé au printemps, et nettement supérieur au taux modeste
de 2 % enregistré en 1996. L'amélioration ressort
également du raffermissement de l'indice de confiance des chefs
d'entreprise et des consommateurs.
La vigoureuse expansion cyclique s'est
poursuivie aux Etats-Unis et le Canada a bénéficié d'une forte
reprise cyclique, de sorte que le taux de croissance annuel moyen
du PIB maintenant prévu pour 1997 en Amérique du Nord est de 3,7 %.
Le renforcement de la croissance économique
observé en Europe occidentale en 1997 est surtout
imputable à une nette progression des exportations, stimulée
par la croissance dynamique de la demande intérieure aux
Etats-Unis, au Royaume-Uni et dans les pays en développement. La
demande d'importations s'est également maintenue à un niveau
élevé dans les pays en transition. Les gains de
compétitivité-prix résultant de l'appréciation substantielle
du dollar et de la livre sterling ont fortement stimulé les
exportations.
Les perspectives économiques actuelles pour
1998 laissent entrevoir une accélération modérée de la
croissance du PIB en Europe occidentale. Dans les quatre
principaux pays, la croissance du PIB réel devrait être de
l'ordre de 2 : %, soit environ un demi pour cent de
plus qu'en 1997. En France, en Allemagne et en Italie,
l'accélération de la croissance de la production sera
légèrement compensée par un ralentissement au Royaume-Uni. Les
résultats économiques des petits pays devraient rester assez
favorables, avec un taux de croissance moyen d'environ 3 %
en 1998, dans l'ensemble inchangé par rapport à 1997. On
s'attend donc pour l'ensemble de l'Europe occidentale à une
légère accélération du taux de croissance moyen du PIB, qui
devrait être légèrement inférieur à 3 %. Cette
amélioration repose sur l'hypothèse d'un raffermissement de la
demande intérieure et d'une progression toujours dynamique des
exportations. Les dépenses de consommation des ménages
devraient recevoir une certaine impulsion des retombées
positives d'une plus forte croissance de l'emploi sur le revenu
global des ménages et, en moyenne, d'un modeste recul du taux
d'épargne. Il faut également s'attendre à un net
raffermissement des investissements des entreprises en machines
et biens d'équipements. La croissance des exportations devrait
se poursuivre à un rythme dans l'ensemble assez dynamique, bien
qu'un peu inférieur au taux de 1997. Cette décélération
est due surtout à l'atténuation des effets de la dépréciation
des monnaies d'Europe occidentale par rapport au dollar, et à la
croissance plus faible de la demande intérieure aux Etats-Unis
et au Royaume-Uni.
Cependant, l'augmentation de la production a
peu de chances de se traduire par une nette amélioration sur les
marchés du travail. L'emploi pourrait progresser d'environ
1 % en 1998 et le taux de chômage moyen pourrait tomber un
peu au-dessous de 11 %. Les pressions inflationnistes
resteront sans doute modérées.
Aux Etats-Unis, la croissance
économique devrait se ralentir, avec un taux se situant autour
de 2,5 % en 1998. Cette décélération a pour cause un
resserrement probablement limité de la politique monétaire,
l'effet restrictif de l'appréciation du dollar sur les
exportations, une contraction cyclique de l'investissement et un
ralentissement des dépenses de consommation des ménages dû à
une plus faible croissance de l'emploi et à un raffermissement
du taux d'épargne.
Risques et incertitudes
Cependant, les perspectives de l'économie
mondiale sont aujourd'hui très incertaines en raison des
turbulences sur les marchés financiers internationaux. Cette
crise n'est pas encore terminée. Les marchés boursiers sont
encore très volatils et la crise économique que connaît l'Asie
orientale a récemment gagné la Corée du Sud, qui pèse
beaucoup plus lourd dans l'économie mondiale que les pays
jusqu'à présent touchés. Beaucoup dépendra de l'évolution
des marchés boursiers, car, si la chute des cours se poursuit,
elle aura des effets négatifs sur les bilans des établissements
du secteur financier et bancaire, au Japon notamment.
En 1998, la croissance économique va plus ou
moins se ressentir de l'"effet de richesse" résultant
de la chute brutale du cours des actions. Cette situation aura
tendance à modérer la propension des ménages à consommer. Au
demeurant, le ralentissement de la croissance économique en Asie
va freiner la demande régionale de biens en provenance de
l'étranger. Etant donné l'excédent de capacité industrielle
créé ces dernières années dans plusieurs de ces pays, on peut
s'attendre à une forte réduction de la demande de biens
d'équipement achetés en Occident. Ce phénomène devrait
toucher surtout le Japon, mais il va aussi priver les entreprises
d'Europe occidentale et des Etats-Unis d'une source de croissance
dynamique de la demande. Selon l'ampleur du ralentissement de la
demande de biens d'exportation, des effets en cascade risquent de
se produire. Un ralentissement de la demande intérieure plus
prononcé que prévu aux Etats-Unis pourrait avoir pour
conséquence une plus faible croissance des importations, avec
des retombées négatives sur les exportations de l'Europe
occidentale et du Japon. De même, la faiblesse persistante
de la demande intérieure japonaise pourrait avoir des
répercussions négatives en Europe occidentale et en Amérique
du Nord. La propagation de la crise à l'Amérique latine,
marché important pour les producteurs des Etats-Unis, constitue
un risque supplémentaire. Au Brésil, les prévisions de
croissance ont déjà été révisées en baisse dans une
conjoncture caractérisée par des hausses des taux d'intérêt
et l'adoption de mesures de finances publiques pour réduire le
déficit budgétaire.
La dépréciation brutale de leurs monnaies et
l'amélioration de la compétitivité-prix qui en résulte
pourraient inciter les exportateurs asiatiques à lancer une
offensive commerciale sur les marchés occidentaux.
En effet, les exportations vont sans doute constituer pour
les pays concernés la principale source de croissance
économique, étant donné l'état déprimé de la demande
intérieure. Cette situation va à son tour générer des
pressions à la baisse sur les prix intérieurs et sur les marges
de profit des producteurs concurrents dans les pays
industrialisés et les pays en transition. De plus, à la
suite de la dépréciation des monnaies asiatiques, il faut aussi
s'attendre à des pressions à la baisse sur le yen, de même que
sur les taux de change des monnaies latino-américaines et
des pays en transition.
L'évolution des taux d'intérêt dépendra
d'au moins deux tendances contradictoires. Le processus de
diversification des portefeuilles en cours dans les pays
occidentaux a surtout favorisé la demande d'obligations d'Etat,
ce qui va à son tour entraîner des pressions à la baisse sur
les rendements obligataires à long terme. Pour l'instant, il
semble pourtant que les investisseurs aient privilégié les
obligations libellées en dollars. Certains facteurs pourraient
sans doute favoriser une hausse des taux d'intérêt nominaux en
1998, mais le ralentissement de l'inflation permet de penser que
les taux d'intérêt réels ne baisseront pas dans les mêmes
proportions et pourraient même remonter. L'effet restrictif de
la chute du cours des actions et de la crise asiatique sur la
croissance économique aux Etats-Unis pourrait rendre inutile un
nouveau resserrement de la politique monétaire américaine. Cela
aussi pourrait se traduire par des pressions à la baisse sur les
taux longs.
Dans le même temps, la récente chute brutale
de l'indice Nikkei a mis une fois de plus en relief les
problèmes de bilan des banques et des compagnies d'assurance
japonaises. A cela s'ajoute la part importante des engagements
constitués par des prêts improductifs en faveur d'entités
d'Asie du Sud-Est. Or, le système bancaire japonais est
fortement tributaire des plus-values boursières non réalisées
pour atteindre le coefficient de solvabilité défini par la BRI,
ce qui pose un problème crucial. Le danger qui pointe
aujourd'hui, c'est que les plus-values non réalisées étant
fortement entamées par la chute brutale des cours, l'érosion de
ces "garanties" provoque la liquidation d'avoirs
extérieurs (actions et obligations) essentiellement libellés en
dollars. Une vente massive de ces actifs générerait des
pressions à la baisse sur le marché obligataire, accompagnées
d'une hausse des taux d'intérêt réels, avec des retombées sur
d'autres composantes de l'économie mondiale.
Il est encore très difficile d'avoir une idée
de l'impact global probable des récentes fluctuations des
marchés internationaux sur la conjoncture économique dans la
région de la CEE en 1998. En Europe occidentale, la question est
de savoir si la confiance des chefs d'entreprise et des
consommateurs va ou non se ressentir des répercussions sur les
échanges et de la correction à la baisse sur les marchés
boursiers, ce qui aurait des effets négatifs sur les dépenses.
Les impulsions que les exportations ont communiquées à
l'activité économique en 1997 vont probablement perdre de leur
vigueur en raison du ralentissement prévu de la demande
d'importations aux Etats-Unis. De manière plus générale, cette
évolution conduit à s'interroger sur la fermeté de la reprise
actuelle et à se demander si elle peut se poursuivre dans un
environnement économique extérieur qui va se dégrader
en 1998 et avec des taux d'intérêt intérieurs peut-être
en hausse.
La dernière ligne droite avant l'Union
économique et monétaire implique nécessairement une
convergence des taux d'intérêt à court terme dans les pays qui
adoptent la monnaie unique. D'après des calculs tout à fait
empiriques, la moyenne autour de laquelle les taux vont
converger est de l'ordre de 4 ou 4,5 %, ce qui impliquerait
un nouveau resserrement de la politique monétaire en France, en
Allemagne et dans d'autres pays. Pourtant, un tel resserrement ne
serait pas approprié étant donné la tendance au ralentissement
de l'inflation et les risques d'une baisse d'activité dans les
économies nationales à la suite de la crise sur les marchés
financiers internationaux.
Si la reprise en cours devait encore une fois
avorter, comme cela s'est produit en 1994, il faudrait s'attendre
à de sérieuses conséquences sur les marchés de l'emploi et,
sans doute aussi, pour la paix sociale. Il y a aujourd'hui
d'importantes différences entre les positions cycliques des pays
d'Europe occidentale et, en partie pour cette raison, dans la
situation sur les différents marchés du travail. Il est aussi
probable que certains pays seront plus vulnérables que d'autres
au changement intervenu dans la situation économique de l'Asie.
De même, tout relèvement des taux d'intérêt à long terme aux
Etats-Unis aurait des retombées en Europe occidentale et, comme
en 1994, les conséquences pourraient varier sensiblement d'un
pays à un autre et perturber l'actuel profil de convergence. De
plus, toute hausse des taux longs risquerait d'avoir d'importants
effets négatifs de richesse liés à la chute des cours sur le
marché obligataire, qui pourrait faire baisser le cours des
actions. De manière plus générale, il pourrait alors y avoir
un risque de divergences entre les membres de l'Union européenne
sur les mesures de politiques économiques les plus appropriées
face aux changements intervenus dans les perspectives
économiques immédiates. Ce ne serait pas un environnement
favorable pour l'introduction d'une monnaie unique dans l'Union
européenne au début de 1999.
Europe orientale et CEI
La croissance en 1997
Pour la première fois depuis 1989, la
production globale des pays en transition de la CEE était en
progression en 1997. Si la plupart des pays en transition de la
région ont enregistré une croissance positive au cours des deux
dernières années, le changement majeur de 1997 réside dans le
fait que le déclin économique de la Russie semble enfin toucher
à son terme. Certes, la relance ne s'est pas encore amorcée en
Russie, mais la situation ne s'est pas détériorée davantage,
ce qui a contribué au résultat positif enregistré pour
l'ensemble des pays en transition. Au premier semestre de 1997,
le taux moyen de croissance du PIB s'est quelque peu ralenti par
rapport à 1996 en Europe orientale et les résultats de
plusieurs pays ont été moins bons que prévu. En revanche,
la reprise s'est sensiblement accélérée dans les Etats baltes.
Les trois pays ont obtenu de bons résultats, bien supérieurs
aux anticipations. La région de la CEI offre un tableau
contrasté, mais la production a progressé dans la plupart des
pays.
La croissance économique s'est poursuivie en
1997 dans presque toutes les régions d'Europe orientale.
Le PIB global a progressé de 3,6 % au premier semestre, à
un taux un peu inférieur à la moyenne de 1996, mais nettement
supérieur aux prévisions ex-ante. Cependant, les
divergences que l'on observe entre les performances économiques
des pays d'Europe orientale en transition sont apparues encore
plus nettement en 1997. De plus, l'Europe centrale a été
fortement touchée, en 1997, par les pires inondations que la
région ait connues depuis des décennies. Il n'en reste pas
moins que le fléchissement du taux de croissance est dû surtout
à une dégradation de la conjoncture en Europe du sud-est où
l'activité économique en Albanie et en Bulgarie a subi le
contrecoup de crises financières majeures, tandis que la
Roumanie échappait de justesse à un sort analogue au début de
l'année.
La croissance de la production a été
particulièrement impressionnante dans les Etats baltes en
1997, avec une très forte reprise en Estonie,
où l'envolée du PIB au premier semestre (12 %) a
très nettement dépassé les prévisions antérieures. La
vigueur inattendue de l'expansion a fait craindre un risque de
surchauffe de l'économie, préoccupations exacerbées par le
fait que les autorités monétaires estoniennes, et leur comité
des problèmes de change, n'ont à leur disposition qu'un nombre
très limité d'instruments pour juguler les poussées
expansionnistes.
L'espoir largement partagé de voir la Russie retrouver le chemin de la croissance en 1997 ne s'est pas
réalisé, mais le recul semble enfin enrayé. Certes,
l'économie russe était encore globalement dans une phase de
stagnation en 1997, mais les résultats de la production font
apparaître certains changements positifs accompagnés d'un
degré notable de stabilisation macro-économique. Après des
performances assez inégales aux deux premiers trimestres (un
léger recul de n0,2 % du PIB au premier semestre après une
progression de 0,3 % au premier trimestre), les signes de
reprise ou de quasi-reprise se sont précisés au deuxième
semestre (avec un taux de 0,2 %, le PIB a retrouvé un
rythme de croissance positif aux trois premiers trimestres).
Néanmoins, au moment où est rédigée cette
édition du Bulletin, il n'y a pas encore d'indications
claires permettant de conclure que l'économie russe est vraiment
entrée sur la voie du redressement, et les chances d'une reprise
soutenue sont encore incertaines. La question de savoir si les
premiers signes de reprise vont se confirmer et, s'il en est
ainsi, à quel rythme l'économie russe pourra progresser après
la phase de stabilisation, n'a pas encore reçu de réponse.
La croissance de nombreux pays d'Europe
centrale et des Etats baltes est due à la fois à la bonne tenue
des exportations et à la poursuite du redressement de la demande
intérieure. Le regain de confiance des consommateurs traduit
aussi bien les succès obtenus dans la mise en oeuvre des
réformes d'économie de marché que des anticipations positives
pour l'avenir. Néanmoins, le montant élevé et croissant des
déficits courants, la poussée étonnamment rapide des dépenses
de consommation, y compris les achats de biens durables, ainsi
que le gonflement des crédits aux ménages dans plusieurs pays
(la Pologne, la Croatie, certains Etats baltes et la République
tchèque avant la crise monétaire) ont suscité des inquiétudes
quant aux pressions provenant de la demande et quant à la
viabilité des performances actuelles. Les banques centrales sont
intervenues à plusieurs reprises en 1997 pour tenter de modérer
des économies en situation de surchauffe.
Des résultats mitigés en matière
d'inflation ...
En général, les progrès sur la voie de la
stabilisation des prix se sont poursuivis en 1997 dans la plupart
des pays en transition de la CEE malgré des retours en arrière
décevants. Si la majorité de ces pays ont déjà atteint ou
sont prêts d'atteindre des taux d'inflation inférieurs à
10 %, des taux à trois chiffres ont refait leur apparition
en Bulgarie, en Roumanie et au Tadjikistan; l'inflation
retrouvait également de la vigueur en Albanie, en Arménie et au
Bélarus. Ces retournements n qui sont la conséquence de
crises financières ou d'un assouplissement considérable des
orientations de politique économique n sont symptomatiques
des difficultés à surmonter par les autorités des pays en
transition pour parvenir à la stabilité macro-économique.
Dans l'ensemble, de nouveaux efforts concertés seront
indispensables pour préserver et renforcer le niveau de
désinflation et de stabilisation des prix déjà atteint.
... et une demande atone sur le marché du
travail
Jusqu'ici, le redressement de la production
dans les pays en transition a été surtout le résultat de gains
de productivité soutenus, eux-mêmes obtenus au cours d'un
processus de restructuration économique aboutissant à une
allocation plus efficiente des ressources productives. C'est
pourquoi la demande globale de main-d'oeuvre est restée plutôt
atone pendant la reprise. Malgré la croissance relativement
forte de la production en Europe orientale au premier semestre de
1997, le volume total de l'emploi n'a guère progressé dans la
région et a même diminué dans l'ensemble des Etats baltes. Le
rythme de la restructuration dans les pays de la CEI semble être
beaucoup plus lent qu'en Europe orientale, bien que le volume
total de l'emploi dans la région de la CEI ait continué de
se contracter au premier semestre de 1997. En septembre
1997, le taux moyen de chômage était d'un peu plus de 11 %
en Europe orientale et d'environ 6 % dans les Etats baltes.
Les taux officiels pour la moyenne des pays de la CEI se situent
juste au-dessus de 6 %, mais sous-estiment fortement le
niveau réel du chômage.
Echanges commerciaux et déficits courants
Le commerce extérieur des pays d'Europe
orientale, et plus spécialement des Etats baltes, a continué de
progresser rapidement au premier semestre de 1997, aussi bien en
volume qu'en valeur, avec des taux supérieurs à 10 % pour
le volume global des échanges. La croissance de la demande
intérieure tant de biens finals que de biens intermédiaires a
contribué à entretenir une vigoureuse demande d'importations.
Dans le même temps, la forte croissance des exportations en
provenance des pays en transition a été stimulée par
l'expansion cyclique et un léger raffermissement de la demande
d'importations en Europe occidentale. Néanmoins, les échanges
de plusieurs pays d'Europe orientale et des Etats baltes sont
restés fortement déséquilibrés en 1997; l'ampleur, et dans
certains cas l'aggravation, des déficits extérieurs deviennent
un sérieux sujet de préoccupation pour les dirigeants de ces
pays. Au premier semestre de 1997, les déficits courants
représentaient en moyenne environ 5 % du PIB en Europe
orientale, avec des chiffres atteignant 10 % et 16 %
respectivement en Slovaquie et en Croatie. Dans les Etats baltes,
cet indicateur était voisin de 7 2 % en Lettonie et
approchait les 15 % en Estonie. Ces déficits se sont
accompagnés d'entrées record de capitaux, qui ont été à la
fois une cause et une conséquence du renforcement de la position
économique des pays d'Europe orientale. C'est ce qui a permis à
bon nombre d'entre eux d'augmenter leurs réserves et de
réaliser une croissance soutenue de la production malgré des
déficits atteignant une forte proportion du PIB. La persistance
d'apports considérables de capitaux dans plusieurs pays n'en
risque pas moins d'entraîner une surchauffe de la demande
intérieure, ce qui induirait des pressions à la hausse sur le
taux de change réel et, par voie de conséquence, exacerberait
indirectement les déséquilibres de la balance courante.
Le remodelage de la composition géographique
des échanges se poursuit dans les pays de la CEI et la tendance
dominante n le recul des échanges entre pays de la CEI en
faveur des échanges avec des pays hors CEI n s'est encore
accentuée en 1997. La valeur totale des échanges de la Russie
(importations + exportations) a reculé au premier semestre
de 1997 (par rapport à la période correspondante de 1996),
après plusieurs années de croissance ininterrompue. La raison
principale en est la contraction des échanges avec les autres
pays de la CEI, alors que les échanges avec les pays extérieurs
à la CEI ont été moins durement touchés. En ce qui concerne
les autres pays de la CEI, la valeur totale de leurs échanges
avec les pays extérieurs à la CEI a sensiblement progressé au
premier semestre de 1997.
Perspectives pour 1998
Les autorités de la plupart des pays en
transition de la CEE semblent assez optimistes au sujet des
perspectives économiques pour 1998. Dans pratiquement tous
les pays en transition qui publient des prévisions officielles,
les gouvernements s'attendent à une accélération de la
croissance économique en 1998 ou à des taux de croissance
encore assez élevés, bien qu'un peu inférieurs à ceux
de 1997. Parmi les pays d'Europe orientale,
les pronostics sont un peu plus réservés pour la
République tchèque et la Roumanie, qui passent par une
phase d'ajustement macro-économique. Les autorités
bulgares espèrent que la dépression touche à sa fin et qu'une
reprise significative débutera en 1998. Une croissance
relativement forte est attendue dans la plupart des autres pays
d'Europe orientale et dans les Etats baltes. Les perspectives
économiques sont également positives pour les pays de
la CEI, en raison surtout de la reprise n même
modeste n escomptée en Russie et de la fin de la
récession en Ukraine. Si les économies en transition réalisent
les performances prévues, leur PIB global devrait progresser
d'au moins 3 % en 1998, ce qui serait leur meilleur
résultat depuis le début de leur transformation économique et
politique.
On peut néanmoins se demander si l'optimisme
des autorités est pleinement justifié. Ces prévisions
impliquent généralement la poursuite d'une reprise
vigoureuse parmi les principaux partenaires commerciaux des
pays en transition. Mais, comme indiqué plus haut, il n'est
pas encore possible de savoir exactement dans quelle mesure les
turbulences financières qui ont secoué les marchés mondiaux au
second semestre de 1997 affecteront l'activité économique
dans les pays développés à économie de marché et
quelles conséquences cela pourrait avoir pour les pays en
transition. Si la crise financière persiste et s'aggrave,
elle risque d'avoir de profondes répercussions sur l'activité
économique partout dans le monde. Etant donné que les pays en
transition sont fortement tributaires de la demande
d'importations dans les pays développés à économie de
marché, plus particulièrement ceux d'Europe occidentale, tout
ralentissement ultérieur de la croissance dans cette région
aura sans doute des effets négatifs sur leur économie.
La vulnérabilité des économies en
transition aux turbulences financières sur les marchés
mondiaux
La crise financière qui a balayé toute l'Asie
du sud-est en 1997, avec des effets induits sur les marchés
financiers du monde entier, a fatalement suscité des
inquiétudes quant à la stabilité des monnaies et des systèmes
financiers des pays en transition. En fait, certains d'entre eux
ont déjà subi dans un passé récent des secousses financières
dont ils portaient eux-mêmes la responsabilité : la Bulgarie a
connu une crise financière majeure en 1996; et
l'effondrement des fonds d'investissement "en pyramide"
a provoqué en Albanie une grave crise économique et politique
au début de 1997. Au premier semestre de 1997, des
attaques spéculatives dirigées contre la monnaie ont causé
de sérieuses perturbations sur les marchés financiers en
Roumanie et en République tchèque; dans ce dernier pays,
les autorités ont été contraintes d'abandonner le régime de
taux de change fixe en vigueur depuis 1990, alors qu'en
Roumanie la crise de change a abouti à une forte dévaluation et
à une flambée du taux d'inflation. Ces événements ont
focalisé l'attention du public sur les causes probables des
turbulences financières sur les marchés émergents, en Asie du
sud-est d'abord mais aussi en Europe, et conduit plusieurs
observateurs à se demander si des crises monétaires
accompagnées de secousses financières ne risquaient pas de
s'étendre à d'autres pays en transition.
L'existence de déséquilibres extérieurs
croissants est l'un des sujets de préoccupation des pays en
transition. Comme on l'a vu plus haut, plusieurs d'entre eux ont
enregistré ces dernières années d'importants déficits
commerciaux et courants et ces déficits continuent de
s'aggraver. En eux-mêmes, les déficits extérieurs n'ont pas
nécessairement pour corollaire un effondrement de la
monnaie et/ou des turbulences financières. On peut même y voir
une conséquence naturelle d'un processus de redressement (comme
dans le cas de l'Europe orientale), qui peut résulter du
raffermissement de la confiance des consommateurs et des
investisseurs, et d'un taux de croissance de la demande
intérieure qui dépasse la croissance de la production
intérieure. D'un autre côté, l'équilibre des comptes
commerciaux et des paiements courants n'est pas en soi une
garantie contre une catastrophe financière: par exemple, la
Bulgarie, qui est parmi les pays européens en transition celui
qui a connu la plus grave crise financière, n'était pas de ceux
qui avaient de gros déficits extérieurs. De même, les
déficits des paiements courants n'ont pas été la principale
n en tout cas pas la seule n cause de l'effondrement
monétaire dans le sud-est asiatique.
Les déséquilibres extérieurs n qui sont
certainement un utile signal d'alarme n doivent donc être
replacés dans tout un ensemble de problèmes macro et
micro-économiques où se trouvent peut-être les causes
profondes des turbulences monétaires et/ou financières. On peut
en rappeler plusieurs. L'un a trait aux sources de financement
des déficits courants. Si ces derniers sont essentiellement
financés grâce à un apport régulier de capitaux à long terme
et, en particulier, d'investissements étrangers directs qui
renforcent le futur potentiel de croissance du pays, ce mode de
financement ne devrait pas, en règle générale, susciter
d'inquiétudes. Inversement, un large recours aux capitaux
à court terme risque d'exacerber la vulnérabilité financière
d'un pays. Les capitaux à court terme, motivés dans une
large mesure par les différentiels de taux d'intérêt, se
caractérisent par une extrême volatilité qui peut entraîner
des réactions excessives à ce qui est perçu comme un problème
possible; si le volume des capitaux concernés est suffisamment
important, leur retrait brutal peut entraîner une
"surréaction" et un effondrement de la monnaie. Par
exemple, la part relativement élevée des capitaux à court
terme dans le compte de capital de la République tchèque a
été ces dernières années (voir chap. 4) l'un des
facteurs qui a compromis la stabilité du régime de taux de
change tchèque et a conduit à des attaques spéculatives contre
la monnaie en mai 1997. La part des capitaux à court terme
était également très élevée en Croatie, en Russie, en
Slovaquie, en Slovénie et dans les Etats baltes, ainsi qu'en
Roumanie après l'ajustement du taux de change intervenu en
février 1997.
Un autre facteur est lié aux sources de la
forte expansion de la demande intérieure qui est à l'origine du
déséquilibre. Si les déficits commerciaux et les
déficits courants servent à financer l'investissement dans le
potentiel de production, on peut espérer retirer plus tard les
bénéfices d'une telle utilisation grâce à une croissance plus
rapide de la production intérieure de biens marchands (puis à
la résorption des déficits), ce qui mettra finalement le pays
hors de danger. D'un autre côté, si les apports de capitaux ont
pour principal moteur "l'exubérance" persistante de la
demande de consommation, le risque existe de voir les
déficits devenir à leur tour des déficits persistants,
puisqu'ils n'auront pas pour contrepartie l'expansion et la
modernisation des capacités productives de l'économie. Une
forte expansion de la demande de consommation s'observe depuis
quelque temps dans certains pays d'Europe orientale en
transition. Le phénomène a pris davantage d'ampleur
en 1997; il s'est de plus accompagné dans certains cas
d'une vive expansion du crédit à la consommation (en Croatie,
en Estonie et en Pologne). Ce pourrait être un avertissement
pour les décideurs des pays concernés.
Il faut aussi rappeler que les véritables
causes d'un déséquilibre extérieur ne sont pas toujours
faciles à détecter en "temps réel". Les statistiques
détaillées dont les acteurs du marché auraient besoin pour
tirer de leur analyse des conclusions solides ne sont en
général disponibles qu'avec des retards considérables, alors
que les investisseurs doivent prendre chaque jour des décisions
sur leurs portefeuilles, en général à partir d'informations
fragmentaires et incomplètes. C'est pourquoi le marché peut
avoir tendance à surréagir à l'apparition d'un déficit
courant jugé "excessif", quelles que soient les causes
principales de ce déficit.
Les déséquilibres extérieurs et les apports
de capitaux s'accompagnent habituellement d'une appréciation
réelle du taux de change, ce qui est une conséquence
macro-économique de ce type de déséquilibre. Ce phénomène
peut suivre différents canaux de transmission n l'inflation
ou l'appréciation du taux nominal n selon le régime de
taux de change et les mesures prises par les autorités.
Quel que soit en pratique le mécanisme par
lequel s'opère l'appréciation en valeur réelle, il peut en
résulter une perte de compétitivité dans le secteur des biens
marchands et une nouvelle détérioration de la balance
extérieure.
Comme on le verra au chapitre 2 de la
présente édition du Bulletin, la monnaie de
la plupart des pays européens en transition a eu tendance à
s'apprécier ces dernières années. C'est ce qui s'est passé
aussi bien dans les pays qui ont adopté un taux de change
fixe ou rattaché à une unité de référence (la République
tchèque, la Pologne, la Slovaquie et les Etats baltes) que dans
ceux qui appliquent un régime de taux flottant (Croatie et
Slovénie). En République tchèque, en Slovaquie et en
Slovénie, ce processus s'est accompagné d'une nette
détérioration de la compétitivité; la Pologne a été moins
touchée grâce à un taux plus élevé de croissance de la
productivité. D'un autre côté, la Hongrie, qui a évité une
forte appréciation en valeur réelle et qui a le plus fort taux
de croissance de la productivité, a aussi enregistré les gains
de compétitivité les plus remarquables.
Les déséquilibres extérieurs peuvent être
aussi la conséquence d'un niveau excessif des dépenses
publiques (le problème dit du "double déficit"). Les
doubles déficits révèlent l'existence simultanée de
faiblesses internes et externes de l'économie et, si rien n'est
fait pour les maîtriser, ils peuvent présenter une sérieuse
menace pour la stabilité macro-économique future.
Des déficits budgétaires élevés et persistants peuvent
à eux seuls produire les mêmes résultats, à plus forte raison
s'ils sont monétarisés. La plupart des pays en transition qui
appliquent (ou ont mené à bonne fin) des programmes de réforme
sous la surveillance des institutions financières
internationales ont fait des progrès substantiels dans la
réduction de leurs déficits budgétaires. Néanmoins, étant
donné la fragilité de leur environnement macro-économique
et les aléas du processus de restructuration en cours,
il existe encore des dangers potentiels. L'existence d'un
déficit budgétaire et quasi budgétaire insupportable a été
l'une des causes majeures de la crise financière en Bulgarie; la
déstabilisation financière qu'a connue la Roumanie au début de
1997 était également due en partie à une dangereuse
recrudescence du déficit quasi budgétaire. L'apparition d'un
problème de double déficit a été l'un des principaux signaux
macro-économiques qui ont conduit à l'adoption du programme
hongrois de stabilisation de 1995, lequel a débouché sur un
ajustement macro-économique majeur. A en juger par l'évolution
observée en 1996-1997, un problème de double déficit
commence aussi à se développer en République
de Moldova.
Si les déséquilibres extérieurs peuvent
être un élément important d'une crise monétaire et
financière, ils n'en sont aucunement la seule source possible.
Un facteur qui a joué un rôle primordial dans la crise
financière en Asie tient aux faiblesses structurelles
sous-jacentes des secteurs bancaires et financiers intérieurs
dans un climat marqué par une expansion rapide du crédit et une
surveillance bancaire inadéquate. En ce qui concerne les pays
européens en transition, les crises financières qu'ont connues
la Bulgarie et l'Albanie avaient aussi pour cause principale des
facteurs internes (faiblesse du système financier et
restructuration en panne).
L'état de santé du système bancaire est l'un
des facteurs essentiels dont dépend la stabilité financière
globale. L'expérience de plusieurs pays montre que les
turbulences financières sont souvent le résultat d'une
"double hémorragie ", c'est-à-dire d'attaques
spéculatives simultanées contre la monnaie et contre le
système bancaire n les investisseurs qui tentent de fuir une
monnaie qui se déprécie retirent leurs fonds du système
bancaire. Si les banques sont affaiblies à la suite de prêts
imprudents et par la médiocre qualité de leurs actifs, elles
risquent de sombrer, même en cas d'attaque mineure, ce qui va
déclencher une nouvelle perte de confiance parmi les
investisseurs et encore davantage d'instabilité. C'est par ce
biais que la crise monétaire et financière bulgare a très vite
tourné à la débâcle à la fin du premier semestre de 1996.
Plusieurs banques, et par conséquent un certain nombre de
déposants, ont été victimes de ce phénomène à la suite de
la crise monétaire du sud-est asiatique.
Le secteur bancaire est encore assez faible
dans la plupart des pays en transition : les banques
sont grevées de créances douteuses n héritées
ou nouvelles; les banquiers apprennent encore à utiliser de
saines pratiques bancaires dans un environnement de marché; et
la réglementation et le régime de surveillance ne sont pas
encore suffisamment développés pour pouvoir maîtriser les
situations spécifiques d'une économie en transition. Aussi le
renforcement du système bancaire devrait-il être un souci
prioritaire des décideurs des pays qui s'efforcent de faire de
la stabilité financière globale une réalité.
Le point de savoir si les faiblesses externes
et/ou internes vont ou non provoquer une crise monétaire dépend
de plusieurs facteurs et caractéristiques supplémentaires
propres à chaque économie. Les réserves en devises sont l'un
des premiers amortisseurs à la disposition des autorités dans
l'éventualité d'une attaque spéculative contre la monnaie.
Plus le niveau des réserves est élevé par rapport à la masse
monétaire intérieure, plus efficace sera la protection qu'on
peut en attendre. Mais n comme l'ont démontré de nombreux
exemples de crises monétaires dans toutes les parties du monde n
si l'attaque spéculative persiste, les autorités se voient
finalement obligées de renoncer à ce mode de défense parce que
leurs réserves s'épuisent, ou qu'il devient insupportablement
coûteux de persévérer dans cette voie, ou encore parce
que le refus de dévaluer la monnaie peut avoir de graves
retombées négatives d'un autre type. Par conséquent, même si
la plupart des pays européens en transition disposent
aujourd'hui d'importantes réserves en devises, celle-ci ne
constituent nullement un bouclier qui les met à l'abri
d'attaques spéculatives. Dans leur riposte à une attaque contre
leur monnaie, les autorités doivent aussi se garder de
déclencher un autre cercle vicieux : l'austérité et la
contraction monétaires (qui sont souvent le principal instrument
utilisé pour défendre une monnaie contre la spéculation)
pourraient faire basculer l'économie dans la récession, avec
pour conséquence un nouvel affaiblissement du système bancaire
et, par ricochet, le risque de nouvelles pressions sur la
monnaie.
Enfin, avec la mondialisation des marchés
financiers, la vulnérabilité des différentes économies à des
chocs "importés" s'est considérablement accrue. Les
turbulences financières sont souvent "contagieuses" et
peuvent se propager très vite, atteignant même des
économies aux bases fondamentales saines. Comme l'ont montré
les événements de 1997, la crise de l'Asie du sud-est a
débuté par une crise monétaire locale en Thaïlande mais n'a
pas tardé à contaminer les monnaies et les marchés boursiers
partout dans le monde.
La contagion des crises monétaires peut suivre
diverses filières, mais deux formes semblent particulièrement
fréquentes. La première se rencontre lorsqu'un groupe de pays
exporte des produits analogues sur les mêmes marchés et que
l'un d'entre eux dévalue sa monnaie afin de s'assurer un
avantage compétitif unilatéral sur les autres. Ces derniers
verront là une incitation à dévaluer à leur tour afin de
rétablir leur position concurrentielle. C'est ce processus de
dévaluations concurrentes qui semble avoir déclenché un effet
de dominos en Asie du sud-est lorsqu'a été abandonné le
rattachement du baht thaïlandais à sa monnaie de référence.
On pourrait se demander si les attaques
spéculatives contre la couronne tchèque au début de 1997, qui
ont également conduit le pays à renoncer au régime de
rattachement de sa monnaie, ont eu un effet de contagion sur les
autres pays d'Europe en transition. En fait, la crise tchèque a
été suivie d'attaques spéculatives contre les monnaies de pays
voisins. Elles n'ont eu cependant qu'une ampleur limitée,
jusqu'à présent du moins. Cette situation est sans doute
due au fait que les régimes de taux de change de la plupart
des "pays concurrents" sont moins rigides que
ne l'était le régime appliqué dans la République
tchèque (à l'exception de la Slovaquie où le régime est
pratiquement le même) et permettent d'éventuels ajustements du
taux de change nominal soit dans un régime de parité mobile
(Pologne et Hongrie), soit dans un système de taux flottant
(Croatie et Slovénie). En fait, le rapport de cause à effet,
tel qu'on a pu l'observer en Europe centrale en 1997, s'est
probablement exercé dans un sens diamétralement opposé : c'est
la dévaluation tchèque de 1997 qui a été influencée par la
perte de compétitivité vis-à-vis des pays voisins,
détérioration progressivement apparue au cours des dernières
années en raison de la stricte application d'un régime de taux
de change fixe par la République tchèque. Quoi qu'il en soit,
il reste à savoir si les dévaluations monétaires dans les pays
du sud-est asiatique, qui sont des concurrents des pays de la CEE
en transition sur les marchés d'Europe occidentale,
entraîneront un nouvel affaiblissement des monnaies dans
la région de la CEE.
L'autre forme de contagion tient au
comportement des investisseurs en période de crise. Quand des
signes de troubles sont détectés dans un pays,
des investisseurs allergiques au risque sont souvent enclins
à diagnostiquer les mêmes symptômes dans les pays voisins (ou
dans des pays présentant des caractéristiques analogues). Cette
tendance s'est sans doute renforcée avec la diversification
des portefeuilles d'investissement sur les marchés mondiaux car
il peut être trop coûteux et trop long de réunir des
renseignements détaillés sur les données fondamentales de
chaque pays. De plus, les investisseurs ont souvent tendance à
se comporter en "moutons", de sorte que si l'un des
leurs est pris de panique et commence à vendre (ou l'inverse),
il y a de fortes chances pour que d'autres suivent
aveuglément. Les comportements de ce type risquent d'être
cumulatifs et des crises risquent de se développer même si
toutes les données fondamentales de l'économie visée sont
parfaitement saines (par exemple quand les turbulences commencent
par se propager à partir d'un pays voisin).
Avec leurs marchés immatures et leurs
structures institutionnelles fragiles, les pays en transition
sont particulièrement sensibles à des secousses et à des
pressions extérieures de ce type. L'expérience récente
de l'Albanie et de la Bulgarie montre que dès l'apparition
d'une crise dans un tel environnement, elle peut avoir des
conséquences catastrophiques pour l'économie et toute la
population. Certes n comme on l'a vu plus haut n il ne peut
y avoir d'immunité totale contre des attaques spéculatives,
mais les gouvernements des pays en transition peuvent encore
faire beaucoup pour réduire les risques de déclenchement d'une
crise. En appliquant des politiques macro-économiques
cohérentes et prudentes et en évitant des déficits extérieurs
et intérieurs intolérables, ils peuvent contribuer à atténuer
la vulnérabilité de l'économie aux crises monétaires et
autres chocs inattendus. Les réformes institutionnelles et
structurelles n plus spécialement le renforcement des banques et
autres institutions financières, une surveillance et une
réglementation cohérentes et efficaces des marchés financiers,
les réformes des entreprises, etc., n sont d'autres
éléments essentiels d'une stratégie globale au service de la
stabilité financière. De manière générale, un système
bancaire et financier stable et solide est une condition
préalable dont dépendent la poursuite de la libéralisation
financière et l'ouverture complète des marchés financiers dans
les pays en transition (y compris la libéralisation de leurs
comptes de capital), ainsi que leur intégration au marché
financier mondial.