RAYON DE SOLEIL DANS LES PLUIES ACIDES?
26 août 1997
La pollution atmosphérique de nos villes semble ne jamais devoir cesser
d'augmenter, comme tendraient à le prouver les alertes de niveau 2 qui viennent
d'avoir lieu. Les hôpitaux signalent de plus en plus de cas de problèmes respiratoires
chez les enfants et les personnes âgées. Les autorités municipales demandent aux
automobilistes de laisser leur voiture au garage et d'utiliser les transports publics.
Bien qu'exprimant son inquiétude à ce sujet, un groupe d'experts de la Commission
économique des Nations Unies pour l'Europe (CEE-ONU) perçoit dans un cadre plus
général une amélioration de la situation. En effet, il semble que les mesures prises
pour diminuer les émissions de SO2 commencent à donner des résultats.
Le lac Storgama est un lac peu connu du sud de la Norvège. Comme il y a
très peu d'activités dans la région, l'essentiel des polluants que l'on y trouve est
d'origine lointaine. C'est ce qui rend ce lac particulièrement intéressant pour les
scientifiques qui peuvent mesurer les taux d'acidité dûs à la pollution
atmosphérique. La communauté scientifique a ainsi pu constater que la
concentration en sulfates des précipitations avait diminué de 50 % depuis 1980.
Cette diminution a conduit à une amélioration spectaculaire de la qualité des eaux
du lac: les sulfates ont diminué d'un tiers et son alcalinité a augmenté de 60 %
durant la même période, augmentation qui est un signe de bonne santé indéniable.
Les dépôts acides dûs à la pollution atmosphérique - plus connus sous le nom
de pluies acides - ont beaucoup attiré l'attention du public durant ces 25 dernières
années. Elles sont constituées par un mélange de composés azotés et sulfureux,
ainsi que d'autres polluants qui, tous, proviennent de la combustion de
combustibles fossiles et de la circulation routière. Les pluies acides voyagent sur
de grandes distances et, lorsqu'elles tombent, elles ont des effets négatifs non
seulement sur les eaux souterraines ou de surface, mais aussi sur les sols des forêts
ou les monuments.
Depuis que les pluies acides ont fait la une des médias, la recherche
scientifique a fait beaucoup de progrès dans la connaissance des dommages
qu'elles provoquent, en particulier sur l'acidification des lacs et des rivières. Cette
recherche a conduit la Commission économique des Nations Unies pour l'Europe
(CEE-ONU) à élaborer tout un arsenal de mesures pour combattre ce type de
pollution atmosphérique. Cette coopération semble être sur le point de porter ses
fruits. Durant les dix dernières années, les mesures effectuées en Europe tout
comme en Amérique du Nord montrent une diminution de 50% des dépôts
sulfureux dûs à la pollution atmosphérique. Les dépôts azotés qui, eux, proviennent
de la circulation routière sont restés constants.
Mais cela a-t-il eu un impact sur l'acidification des lacs et des rivières? Afin
de s'en rendre compte, le Programme international concerté d'évaluation et de
surveillance de l'acidification des cours d'eau et des lacs lancé en 1985 sous l'égide
de la Convention de la CEE-ONU sur la pollution atmosphérique transfrontière à
longue distance a utilisé son importante banque de données pour analyser les
évolutions dans la composition chimique et biologique des eaux de surface durant
ces dix dernières années. Les résultats de cette analyseLe rapport sur neuf ans: acidification des eaux de surface en Europe et en Amérique du
Nord - évolution de la situation à long terme (années 80 et 90), préparé par le Centre de
coordination du Programme à l'Institut norvégien de recherche sur l'eau (NIVA). seront divulgués lors de
la réunion du Groupe de travail des effets qui se réunira à Genève du 27 au 29 août
1997.
Les résultats de cette analyse montrent que la concentration en sulfates a
diminué dans pratiquement tous les sites étudiés et qu'en général, ce déclin s'est
accéléré depuis 1990. Cette diminution des dépôts sulfureux a contribué à
l'amélioration de la composition chimique des eaux et certains animaux invertébrés
commencent à faire leur réapparition.
La diminution de la concentration en sulfates entraîne également des
changements dans la concentration des autres composés de l'eau. L'alcalinité des
eaux est une des mesures de la qualité de l'eau. En général, une haute alcalinité de
l'eau est un bon signe, alors que, si elle vient à diminuer, cela tend à dire que les
eaux sont acides. Dans les pays nordiques (Finlande, Suède et Norvège), l'alcalinité
des lacs avait chuté d'une façon dramatique dans les années 80 et conduit à une
acidification accrue; mais, elle est remontée au début des années 90, montrant ainsi
une notable amélioration de la situation. Dans de nombreux autres sites européens
(en Europe centrale, Italie, Allemagne, aux Pays-Bas et au Danemark), cette
alcalinité a recommencé à croître dès les années 80 pour s'accélérer dans les
années 90. Dans les autres régions comme celle des monts Adirondacks, le
Québec, le centre-ouest de l'Amérique du Nord, le Royaume-Uni, la situation ne
s'améliore pas, l'acidification aurait même tendance à augmenter et ceci, malgré
une diminution des concentrations en sulfates.
La concentration en composés azotés dans les eaux de surface a, quant à
elle, augmenté pratiquement partout durant les années 80, mais elle a cessé de
s'accroître durant les années 90. Il semble donc que des phénomènes autres que
les dépôts azotés (les changements climatiques, par exemple) soient à l'origine des
changements intervenus dans la qualité de l'eau dans les années 90. Une
surveillance accrue de la situation devrait permettre d'en savoir davantage.